Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 45e Législature
Volume 154, Numéro 28
Le mardi 28 octobre 2025
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- Le Sénat
- Projet de loi modifiant la Loi sur les poids et mesures, la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz, le Règlement sur les poids et mesures et le Règlement sur l’inspection de l’électricité et du gaz
- Transports et communications
- Sécurité nationale, défense et anciens combattants
- Langues officielles
- Les travaux du Sénat
- ORDRE DU JOUR
- Le discours du Trône
- Projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant
- Projet de loi sur la Journée de l’indépendance de la magistrature
- Projet de loi sur le Mois du patrimoine hellénique
- Projet de loi sur la stratégie nationale pour la santé des sols
- Les travaux du Sénat
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- Les travaux du Sénat
- Les services aux Autochtones
- La Loi sur les Indiens
- Les demandes de certificat de statut indien
- Les jeunes Autochtones pris en charge
- Le rapport de la vérificatrice générale
- Le soutien aux communautés autochtones
- Le soutien aux enfants autochtones
- Le soutien aux communautés autochtones
- La nation crie de Mathias Colomb
- Le soutien aux enfants autochtones
- La surreprésentation des Autochtones dans les prisons
- L’infrastructure dans les réserves des Premières Nations
- L’élimination des iniquités fondées sur le sexe dans la Loi sur les Indiens
- Le soutien aux communautés autochtones
- L’infrastructure dans les réserves des Premières Nations
- La Première Nation de Neskantaga
- La santé des Autochtones
- L’industrie de l’aquaculture
- La Loi sur les Indiens
- Les travaux du Sénat
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mardi 28 octobre 2025
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le jour du Non
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je souhaite aujourd’hui commémorer un moment de l’histoire qui continue d’inspirer non seulement le peuple grec, mais tous ceux et celles qui chérissent les principes de la liberté et de la démocratie.
Nous nous rappelons aujourd’hui la journée de 1940 où le premier ministre grec Ioannis Metaxas a reçu un ultimatum du régime fasciste de Mussolini. Le choix était clair : ou bien vous vous soumettez à l’occupation, ou bien c’est la guerre. La réponse des Grecs a été rapide, déterminée et sans équivoque : oxi. Non.
À lui seul, ce mot définit le courage d’une nation et prouve que la force morale peut résister à la puissance militaire. Il exprime le refus de se soumettre à la tyrannie et nous dit que la liberté et la dignité ne sont pas négociables.
La résistance qui a suivi a changé le cours de l’histoire, car elle a permis de retarder les avancées de l’Axe, en plus d’être l’un des derniers remparts pour défendre les idéaux démocratiques en Europe.
Le fier Gréco-Canadien que je suis sait que l’esprit de l’oxi habite encore aujourd’hui la communauté hellénique du Canada et du reste du monde.
Les valeurs qui ont guidé la Grèce à ses heures les plus sombres — le courage, l’intégrité et la liberté — sont les mêmes que des générations d’immigrants grecs ont intégrées à leur vie au Canada. Ces valeurs ne sont pas uniquement grecques, elles sont aussi profondément canadiennes et elles nous rappellent que les générations ne reçoivent pas la liberté, la chance et la force de la collectivité en héritage. Elles doivent les bâtir et les défendre. Voilà l’essence du jour du Non, qui nous rappelle que la lutte pour la liberté n’est jamais terminée.
L’adhésion des nations à leurs principes est aujourd’hui mise à l’épreuve comme ce fut le cas de la Grèce à l’époque, quoique l’épreuve prenne une autre forme et que le contexte soit différent. Chaque génération doit décider si elle veut rester fidèle à ses valeurs ou succomber à la facilité et à la complaisance.
Nous vivons dans un monde où, trop souvent, nous sommes tentés de transiger sur nos principes pour en tirer des avantages politiques ou économiques à court terme. Trop souvent, nous voyons les dirigeants occidentaux fermer les yeux sur le comportement des régimes autoritaires qui bafouent les droits de la personne et sapent les valeurs qui nous sont chères.
Nous ne pouvons nous permettre de tels compromis. Aujourd’hui, nous nous rappelons que le courage d’une seule nation peut servir d’exemple au monde entier. Le jour du Non nous met au défi d’agir avec conviction, de lutter contre l’injustice partout où elle se manifeste et de rester fidèles aux valeurs qui nous définissent. Faisons nos choix dans cet esprit, en tant que citoyens et dirigeants, ne permettons jamais à la tyrannie de gagner du terrain et ne sacrifions jamais la liberté et l’intégrité.
Merci, chers collègues.
Des voix : Bravo!
La diversité et l’égalité
L’honorable Dawn Arnold : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour célébrer la diversité des voix que nous avons le privilège d’entendre dans la Chambre rouge.
Ayant œuvré tout au long de ma carrière pour promouvoir la diversité et l’inclusion, j’ai pu constater par moi-même à quel point cela transforme les organisations et les collectivités. Lorsque nous disposons d’un éventail de voix, d’expériences de vie et de perspectives qui prennent part aux décisions, nous faisons des choix plus sages, plus inclusifs et plus prometteurs.
[Français]
Je tiens également à prendre un moment pour célébrer un événement vraiment remarquable qui se produit dans ma province, le Nouveau-Brunswick. Pour la première fois dans notre histoire, le Nouveau-Brunswick est dirigé par trois femmes extraordinaires : la première ministre, Susan Holt, la lieutenante-gouverneure, Louise Imbeault, et la présidente de l’assemblée législative, Francine Landry. J’ai eu récemment le privilège de les entendre à une conférence organisée par Femmes pour 50 %, un mouvement non partisan qui se consacre à la parité en politique.
[Traduction]
Lors de la création de Femmes pour 50 % en 2017, seuls 16 % des députés de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick étaient des femmes. Ce chiffre est passé à 22 % en 2018, à 29 % en 2020 et à 35 % en 2024. L’objectif actuel du mouvement est clair et ambitieux : la parité totale — 50 % — une fois qu’auront eu lieu les élections provinciales de 2028.
J’ai pu constater directement, en encourageant les femmes et les membres de divers groupes à se présenter aux élections municipales de Moncton, le pouvoir transformateur de la représentation. Lorsque les femmes sont à la barre et que des points de vue divers sont entendus, nos collectivités deviennent plus fortes, plus innovantes et plus compatissantes.
Aujourd’hui, alors que nous contemplons la diversité qui règne dans cette enceinte, rappelons-nous que c’est ce qui nous définit en tant que Canadiens : notre pays est fort de sa multitude de voix, de perspectives et d’histoires. Continuons à ouvrir des portes afin que les décisions de demain soient prises en mettant vraiment à contribution toute la diversité des personnes que nous servons d’un océan à l’autre.
Merci. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du commandant adjoint de la Marine royale canadienne, le contre-amiral Dan Charlebois, et du commissaire de la Garde côtière canadienne, Mario Pelletier. Ils sont les invités des honorables sénatrices Henkel et Patterson.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
La Marine royale canadienne
La Garde côtière canadienne
L’honorable Rebecca Patterson : Honorables sénateurs et sénatrices, aujourd’hui, nous rendons hommage à la Marine royale canadienne et à la Garde côtière canadienne. Je le fais moi-même en reconnaissant une vérité simple : le Canada est et a toujours été une nation maritime. Pourtant, le régionalisme et l’aveuglement maritime ont rendu ce secteur et ce travail invisibles pour trop de Canadiens et de Canadiennes.
[Traduction]
L’avenir maritime du Canada ne dépend pas seulement des navires et des infrastructures, mais aussi des gens. Ce sont des professionnels compétents et dévoués — dont certains sont présents aujourd’hui à la tribune — de toutes les disciplines, qui assureront la sécurité, la viabilité et la prospérité dans les eaux canadiennes.
Que ce soit dans les ports et les chantiers navals, dans les instituts de recherche, sur le pont des navires marchands ou à bord des navires de la Marine royale canadienne et de la Garde côtière canadienne, nous partageons tous le même défi et le même objectif : constituer et maintenir la main-d’œuvre qui soutient la puissance maritime du pays.
Le Canada est encadré par trois océans et bénéficie de nombreuses mers intérieures. Tous ces éléments sont intimement liés à la souveraineté, à l’économie et à l’environnement de notre pays.
La Marine royale canadienne et la Garde côtière canadienne jouent un rôle central dans cet effort national. Elles incarnent le dévouement, les compétences techniques et un engagement indéfectible à protéger les intérêts du Canada, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières.
Leur succès repose non seulement sur des navires et des systèmes de pointe, mais aussi sur les hommes et les femmes en poste. Qu’il s’agisse de vigies, d’opérateurs, de matelots, d’ingénieurs, de logisticiens ou même de professionnels de la santé, nous aurons toujours besoin d’équipages qui mettent leur expertise, leur résilience et leur passion au service de chaque mission.
Le renforcement de la main-d’œuvre maritime au sens large consolide ces institutions et, par conséquent, renforce la capacité du pays à faire respecter sa souveraineté, à maintenir la sécurité et à réagir efficacement aux crises.
(1410)
Je tiens à rappeler à toutes les personnes présentes que la main-d’œuvre maritime ne se limite pas à un seul secteur; il s’agit d’un écosystème qui comprend à la fois des parties civiles et militaires. Il englobe les secteurs public, privé et universitaire.
La réussite à long terme dépendra de l’harmonisation de cet écosystème, y compris l’éducation et la formation, le recrutement et la rétention, ainsi que les décisions stratégiques et les partenariats. L’importance du secteur et les problèmes persistants de main-d’œuvre qu’on y observe militent pour sa désignation comme industrie essentielle avec le soutien du gouvernement. Il s’agit d’un effort majeur d’édification du pays.
[Français]
Nous devons inciter la prochaine génération à considérer le secteur maritime non pas comme une carrière, mais comme une vocation, une vocation contribuant à la sécurité, à la prospérité et à l’ouverture du Canada sur le monde.
Notre succès dépendra de notre capacité à recruter, maintenir en poste et responsabiliser ceux qui accompliront ce travail essentiel.
C’est pourquoi, au nom de nous tous, je tiens à remercier les hommes et les femmes de la Marine royale canadienne et de la Garde côtière canadienne pour leur leadership, leur discernement et leur dévouement.
L’honorable Danièle Henkel : Honorables sénateurs, aujourd’hui, nous soulignons la Journée de la marine et de la Garde côtière canadienne, une occasion de rendre hommage à celles et ceux qui, jour et nuit, veillent sur nos eaux, nos côtes et nos vies.
La Garde côtière canadienne est une force discrète, mais essentielle. Présente sur trois océans, dans les Grands Lacs et le Saint-Laurent, elle veille à la sécurité maritime, protège le milieu marin et soutient les communautés côtières et nordiques en menant des opérations de sauvetage, de déglaçage, de surveillance environnementale et de souveraineté dans l’Arctique.
[Traduction]
Dans les territoires du Nord, où les distances sont grandes et les conditions, extrêmes, la présence de la Garde côtière est plus qu’une question de logistique; c’est aussi une question de survie.
Le brise-glace Polar Max, actuellement en construction, renforcera la capacité de la Garde côtière. Doté de technologies de pointe, il conférera ostensiblement au Canada les moyens d’intervenir et de travailler dans les régions les plus inhospitalières de la planète. Derrière chaque balise, chaque navire, il y a des femmes et des hommes — des marins, des ingénieurs, des techniciens et des scientifiques — qui ont choisi de servir l’intérêt général. Leur devise, Saluti Primum, Auxilio Semper ou « Sécurité d’abord, service constant », n’est pas qu’un slogan : c’est une promesse qu’ils tiennent chaque jour, souvent loin des regards du public.
[Français]
En tant que première femme capitaine honoraire de la Garde côtière canadienne, j’ai eu le privilège de rencontrer ces équipages et de constater leur compétence et leur courage. Ils incarnent les valeurs les plus nobles du service public : le devoir, la solidarité et l’humilité. De plus, derrière eux, il y a des familles qui partagent les sacrifices de cette vocation.
La Garde côtière, c’est aussi une expression concrète de notre présence sur nos mers et nos glaces, une présence qui protège, relie et affirme le Canada comme puissance maritime responsable et pacifique.
En cette journée, rendons hommage à leur force, leur endurance et leur dévouement. Qu’ils sachent que le Parlement du Canada les voit, les reconnaît et les remercie. Longue vie à la Garde côtière canadienne et longue vie à la Marine royale canadienne.
Merci.
[Traduction]
Visiteur à la tribune
Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la mère de la sénatrice Hay, Jeanne Hay.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le Terre-Neuvien
L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je suis heureux de présenter aujourd’hui le chapitre 94 de « Notre histoire ».
Les récits de Terre-Neuve-et-Labrador sont une forme particulière de poésie orale qui fait partie de la riche tradition des conteurs de la province. Ceux à qui Dieu n’a pas fait le don de talents musicaux peuvent raconter une histoire ou réciter un poème lors d’une assemblée de cuisine ou de cabane.
Ces récits, souvent racontés par des conteurs, mettent en lumière le patrimoine, la culture et le mode de vie uniques de la province. Ils peuvent couvrir un large éventail de sujets, ils peuvent prendre différentes formes, allant des récits du quotidien humoristiques aux histoires plus sombres et plus tragiques, et ils permettent de préserver l’histoire et les traditions locales.
Il existe des milliers de récits, mais, dans le temps qui m’est accordé aujourd’hui, je ne peux en présenter qu’un seul, alors j’ai choisi « Le Terre-Neuvien », écrit par George Hoskins.
Si tu le vois, tu le reconnaîtras,
il n’y en a pas d’autres comme lui.
L’homme qui vient de Terra Nova
est meilleur que n’importe qui.
Le Terre-Neuvien authentique,
véritable touche-à-tout,
Raconte des histoires de pêche fantastiques
et parle d’art avec beaucoup de bagou.
Il manie la scie à chaîne à merveille,
peut garder l’équilibre sur un billot de bois.
Il rentre à bon port sans problème dans la plus épaisse purée de pois.
Il a la pipe au bec et un verre de grog à la main quand il s’assoit.
Il erre parfois en vagabond dans des contrées éloignées
En fredonnant l’air d’une chanson :
The Star of Logy Bay.
Qu’il vienne d’Ireland’s Eye ou de Joe Batt’s Arm, peu importe,
Il t’accueillera à bras ouverts quand tu seras à sa porte,
Et tu seras traité aux petits oignons comme le meilleur des potes.
Ses ancêtres sont venus d’Angleterre, ou alors de l’autre côté de la mer d’Irlande, assurément.
Comme ses aïeux, il aime son île
qui résiste aux marées et aux vents,
Et où les étrangers admirent, bouche bée,
des paysages époustouflants.
Quand on lui parle de politique,
il faut le croire quand il dit
Qu’il n’a rien contre la Confédération, mais que Terre-Neuve est sa patrie.
C’est un sujet délicat pour lui,
et il ne change pas d’avis facilement.
Il dit ce qu’il pense sans détour et ne met jamais de gants blancs.
Qu’il soit de la ville ou de la côte,
il connaît peu les coutumes du continent.
Qu’il soit du Nord, du Sud, de l’Est ou de l’Ouest,
il trouve que tout était mieux avant.
Il parle la langue du roi
avec un accent familier,
Et sans qu’il le veuille, parfois,
ses « h » ne sont pas prononcés.
S’il les oublie ainsi,
alors il est sans contredit
De souche anglaise, solide comme le roc,
on peut se fier à lui.
Il suffit d’aller sur la côte sud
pour entendre un tout autre accent.
Les gens y parlent comme des Irlandais
et ils le sont profondément.
Qu’il soit un pêcheur de morue
qui gagne sa vie en haute mer,
Ou un pêcheur d’hommes
qui prêche la parole de Dieu du haut de la chaire,
Quelle que soit sa vocation,
Qu’il vienne de la haute ou des bas-fonds,
Le Terre-Neuvien est avant tout
Un bien bon gars, un point c’est tout.
Merci.
Visiteur à la tribune
Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Iris Evans, ancienne ministre des Finances et de l’Entreprise de l’Alberta. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice Pupatello.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Sarah McLachlan, O.C.
L’honorable Marnie McBean : Chers collègues, j’aimerais aujourd’hui vous parler, avec respect et admiration, de la carrière et de la contribution de Sarah McLachlan, qui se produit ce soir à Ottawa.
Sarah McLachlan est l’une des autrices-compositrices-interprètes les plus respectées et les plus appréciées du Canada. Née à Halifax, en Nouvelle-Écosse, elle a commencé à jouer de la musique dès son enfance, elle a signé son premier contrat d’enregistrement alors qu’elle était encore adolescente et elle s’est bâti une carrière internationale remarquable qui s’étend sur plusieurs décennies.
Les premiers albums de Sarah McLachlan l’ont fait connaître comme une autrice-compositrice réfléchie et émouvante. Son album Surfacing, sorti en 1997, l’a propulsée au rang de vedette mondiale; des chansons comme Angel, Adia et Building a Mystery sont devenues des classiques, lui valant plusieurs prix Juno et Grammy.
Sa musique s’est toujours distinguée par son émotion, son authenticité, sa beauté et sa capacité à toucher profondément les auditeurs.
Cela dit, l’influence de Sarah McLachlan va bien au-delà de sa musique. Elle est entrée dans l’histoire à la fin des années 1990 en fondant Lilith Fair, un festival itinérant qui célébrait et mettait en avant les musiciennes à une époque où les femmes étaient régulièrement exclues des grands événements musicaux. Lilith Fair a marqué un tournant culturel, prouvant que le public voulait vraiment entendre la voix des femmes. Le festival fut un succès financier pour les artistes et, à mesure qu’il étendait sa présence en Amérique du Nord, il a permis de recueillir des millions de dollars pour des organisations de femmes.
Grâce à son art, à son engagement et à ses activités philanthropiques, Sarah McLachlan a renforcé l’identité culturelle du Canada et rehaussé sa réputation mondiale en matière de créativité et de compassion.
À Vancouver, elle a fondé l’école de musique Sarah McLachlan, qui offre une formation musicale gratuite aux jeunes qui, autrement, n’auraient peut-être pas accès à des cours ou à des instruments. L’école a aidé des milliers d’enfants à découvrir leur créativité, à avoir de l’assurance et à développer un sentiment d’appartenance grâce à la musique.
Sarah continue de montrer l’exemple. Récemment, quand l’émission de Jimmy Kimmel a été sanctionnée par la Commission fédérale des communications des États-Unis et retirée des ondes, Sarah a annulé le spectacle prévu à l’occasion de la première américaine de son documentaire Lilith Fair: Building a Mystery. Elle a choisi de « [...] protester contre le musellement de la liberté d’expression [...] » et a affirmé qu’elle percevait « [...] l’érosion des droits des femmes, des droits des personnes trans et queers [...] ». À son retour en ondes, Jimmy Kimmel a reconnu sa solidarité et l’a fait jouer à sa première émission.
(1420)
Soit dit en passant, le documentaire exceptionnel de Sarah est disponible sur CBC Gem. Il nous entraîne dans les coulisses et nous montre à quel point elle a dû se battre pour surmonter les obstacles fondés sur le sexe et faire entendre la voix des femmes, et comment elle a tout changé pour les artistes féminines.
En encourageant la prochaine génération d’artistes et en utilisant sa plateforme pour promouvoir l’inclusion, l’émancipation et le bien commun, Sarah est devenue non seulement un symbole national, mais aussi l’incarnation des valeurs inébranlables du Canada que sont la générosité, l’égalité et l’excellence artistique. Sa contribution a inspiré d’innombrables artistes, ouvert des portes aux femmes dans l’industrie de la musique et démontré le pouvoir de la compassion dans le leadership.
En conclusion, je dirai que ce n’est pas un mystère que Sarah McLachlan a construit. Avec talent, empathie et vision, elle a bâti un véritable phare pour guider nos pas. Comme elle nous le rappelle dans ses paroles, le monde est en feu... puisons dans l’eau, essayons de faire notre part...
Elle représente toujours le meilleur de la créativité et de l’esprit canadiens. Merci, Sarah McLachlan. Bon spectacle ce soir.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Stephanie Yong, cofondatrice de Sohkisiwin, entreprise spécialisée dans les stratégies autochtones et l’inclusion, de son partenaire d’affaires, Michael Linklater, et du fils de ce dernier, Amari. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Muggli.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de représentants de SP Canada. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Coyle.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
AFFAIRES COURANTES
Le Sénat
Adoption de la motion concernant la période des questions de la présente séance
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5k) du Règlement, je propose :
Que le Sénat reçoive l’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones, pendant la période des questions à 16 heures aujourd’hui, conformément aux dispositions de l’ordre du 4 juin 2025.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Projet de loi modifiant la Loi sur les poids et mesures, la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz, le Règlement sur les poids et mesures et le Règlement sur l’inspection de l’électricité et du gaz
Première lecture
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) dépose le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les poids et mesures, la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz, le Règlement sur les poids et mesures et le Règlement sur l’inspection de l’électricité et du gaz.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
Transports et communications
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les possibilités et les défis de l’intelligence artificielle (IA) dans le secteur des technologies de l’information et des communications
L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les possibilités et les défis de l’intelligence artificielle (IA) dans le secteur des technologies de l’information et des communications, notamment :
a)l’application de l’IA dans la création, la diffusion et le traitement du contenu dans ce secteur;
b)les répercussions de l’IA sur le droit d’auteur et la propriété intellectuelle au Canada, notamment les questions relatives à la paternité et à la propriété du contenu, à l’application de la loi et à l’équilibre entre l’innovation et la protection des droits des créateurs;
c)la montée de la désinformation, de la mésinformation et des hypertrucages générés par l’IA, ainsi que leur possible incidence sur la confiance de la population et l’intégrité des médias;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2027 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
Sécurité nationale, défense et anciens combattants
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier l’approvisionnement en matière de défense dans le contexte de l’engagement du Canada à accroître ses dépenses de défense
L’honorable Hassan Yussuff : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, l’approvisionnement en matière de défense dans le contexte de l’engagement du Canada à accroître ses dépenses de défense;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 18 juin 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
[Français]
Langues officielles
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier le renforcement des responsabilités des institutions fédérales en matière d’arts, de culture et de patrimoine
L’honorable Allister W. Surette : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, le renforcement des responsabilités des institutions fédérales en matière d’arts, de culture et de patrimoine dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire et au Canada, plus généralement;
Que le comité examine en particulier les enjeux liés :
a)à la formation et au développement professionnel des ressources humaines, y compris le développement des compétences numériques;
b)à l’appui aux infrastructures artistiques, culturelles et patrimoniales, y compris les capacités numériques;
c)à l’arrimage entre les efforts nationaux et internationaux pour appuyer la souveraineté culturelle, protéger la diversité des expressions culturelles et assurer la découvrabilité en ligne des contenus culturels produits par et pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire;
d)à la mise en œuvre des dispositions législatives et réglementaires incombant aux institutions fédérales pour ce qui est :
i)d’offrir des services de qualité égale dans les deux langues officielles;
ii)de favoriser l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire;
iii)de promouvoir la présence d’institutions fortes qui desservent ces communautés;
iv)de promouvoir la pleine reconnaissance des deux langues officielles dans la société canadienne;
v)de protéger et promouvoir le français;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 mars 2027, et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
(1430)
Les travaux du Sénat
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre qui a été adopté plus tôt aujourd’hui, la période des questions aura lieu à 16 heures.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
Le discours du Trône
Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,
Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Sa Majesté le roi :
À Sa Très Excellente Majesté Charles Trois, par la grâce de Dieu, Roi du Canada et de ses autres royaumes et territoires, Chef du Commonwealth.
QU’IL PLAISE À VOTRE MAJESTÉ :
Nous, sujets très dévoués et fidèles de Votre Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Majesté d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours que Votre Majesté a adressé aux deux Chambres du Parlement.
L’honorable Farah Mohamed : Votre Honneur, honorables sénateurs, j’aimerais tout d’abord profiter de l’occasion pour vous remercier vous, Votre Honneur, l’huissier du bâton noir, la greffière, Mme Anwar, ainsi que leurs équipes respectives. Je remercie également mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants et tous les sénateurs ici présents. Merci aussi aux équipes administratives du Sénat, dont celles de la sécurité et des locaux, ainsi qu’à m’a propre équipe — John Inca, Julie et Sola — pour leur professionnalisme hors pair et pour le soutien qu’ils m’offrent depuis ma nomination.
Un merci tout spécial aux sénateurs McBean, Saint-Germain et Harder pour leurs conseils et leurs badineries, car ils m’ont beaucoup aidé à trouver mes repères, à l’intérieur et à l’extérieur du Sénat.
Merci aussi à ma voisine de banquette, la sénatrice Arnold, qui m’assure que je ne suis pas seul au monde et que je peux compter sur les autres pour comprendre les rouages de notre auguste institution. Si elle jetait un coup d’œil dans mon pupitre, elle verrait que j’ai un tube de colle contact extra-forte, alors si elle fait seulement mine d’aller où que ce soit, je mets mon plan à exécution.
Bien qu’ils ne soient pas ici aujourd’hui, je remercie ma mère Dilu, mon père Aba, ma sœur Amina, mon beau-frère Tomas ainsi que mon extraordinaire nièce Hailie. C’est grâce à leur amour, à leur soutien et à leurs encouragements si je suis ici aujourd’hui.
Je crois beaucoup à la force de la communauté, et je suis honoré de faire partie de celle-ci, car il s’agit d’un endroit où on peut s’exprimer librement, agir de manière indépendante et mettre à profit sa curiosité et son courage pour s’attaquer aux dossiers qui définissent le pays que nous sommes.
Quand je pense à la manière dont j’entends m’acquitter de mon rôle, je m’émerveille des symétries qui ont ponctué le parcours qui m’a menée jusqu’ici. Je pense par exemple au fait que c’est l’ancien premier ministre Pierre Elliot Trudeau qui nous a accueillis dans ce pays extraordinaire, mes parents, ma sœur et moi, en tant que réfugiés politiques et que, 53 ans plus tard, c’est l’ancien premier ministre Justin Trudeau qui m’a nommée au Sénat, un endroit qui a pour mission de servir et de protéger les institutions mêmes qui nous ont offert un refuge et nous ont redonné espoir. Je suis également consciente du fait que je vais terminer ma carrière exactement là où elle a commencé, sur la Colline du Parlement. C’est donc honorée par l’immensité du privilège qui m’est accordé et motivée par le sens du devoir que je me tiens aujourd’hui devant vous.
Mon amour de la Colline du Parlement a pris naissance il y a 30 ans. Juste après l’université, j’ai obtenu un emploi auprès de l’honorable Paddy Tornsey, la députée de Burlington, ma circonscription. Plus tard, j’ai eu le plaisir de travailler avec l’honorable Anne McLellan, à l’époque où elle a été tour à tour ministre de la Justice, ministre de la Santé et ministre de la Sécurité publique avant de devenir vice-première ministre.
Ces deux femmes incroyables m’ont donné une occasion comme on en rencontre peu : servir les Canadiens d’une manière inédite et significative en faisant adopter des lois sur le contrôle des armes à feu, les prestations aux conjoints de même sexe, la protection de l’environnement, la lutte contre le terrorisme et la création de l’Agence de la santé publique du Canada, entre autres investissements et initiatives.
Ma relation avec le Sénat a connu des débuts plutôt informels. L’ancienne sénatrice Raynell Andreychuk avait appris que je viens de l’Ouganda. Comme elle avait déjà occupé les fonctions de haute-commissaire au Kenya et en Ouganda, elle s’était dit qu’il serait bien que nous allions dîner ensemble. Elle était facile d’approche, gentille, perspicace et tellement élégante. Je lui suis encore reconnaissante d’avoir pris le temps de m’expliquer le travail des sénateurs, parce que c’est là que tout a commencé.
Plus officiellement, mes premiers contacts avec le Sénat ont eu lieu lors des maintes fois où la ministre pour qui je travaillais a été invitée à témoigner devant un comité du Sénat. J’ai été frappée par la qualité des questions, le sens du devoir des sénateurs et, bien entendu, la bonne vieille détermination à débattre des idées — je dois dire que j’ai assisté à certains moments assez tumultueux. Ces expériences m’ont permis de comprendre l’importance du travail qui se fait ici. Je suis extrêmement bien placée pour connaître l’incidence que le Sénat peut avoir. J’en ai moi-même été témoin, et c’est pour moi un grand honneur d’en faire désormais partie.
Cela dit, j’aimerais parler aujourd’hui de la marque que je souhaite laisser et vous donner une idée à la fois des dossiers que je compte défendre et de la manière dont j’entends m’y prendre.
Que ce soit parce que je suis moi-même le fruit des possibilités que d’autres m’ont offertes quand j’étais jeune, parce que j’ai été témoin de l’incroyable impact que peuvent avoir des jeunes engagés, créatifs et connectés ou pour une autre raison, je crois plus que jamais que nous devons continuer de créer des possibilités pour que les jeunes puissent s’épanouir maintenant et à l’avenir.
Ceux qui me connaissent reconnaîtront là un terrain qui m’est familier. Que ce soit comme employée politique, entrepreneure sociale, PDG ou membre d’un conseil d’administration, j’ai toujours essayé de défendre les jeunes et d’être une voix, une oreille attentive et une alliée pour eux.
Comme l’a dit Sa Majesté le roi Charles III dans le discours du Trône :
Nous devons à la présente génération ainsi qu’à celle qui suivra de réfléchir et d’agir en faveur du bien commun.
Pour relever ce défi, nous devons tout d’abord faire face à une dure réalité.
En novembre dernier, en tant que PDG de la Fondation du roi au Canada, j’ai chargé Deloitte de réaliser une étude actualisée sur les coûts économiques et sociaux du chômage des jeunes et ses effets à long terme sur notre pays. Nous savions déjà que la situation était grave, mais il était difficile de faire passer le message au gouvernement et aux médias et de les pousser à se concentrer sur cette crise, car c’est bien d’une crise qu’il s’agit. Nous avons donc décidé de chiffrer le problème. Une fois que l’on quantifie le coût du potentiel gaspillé, il devient impossible d’en faire abstraction.
Le rapport Failure to Launch était clair. Commençons par les mauvaises nouvelles, puis nous passerons aux bonnes. En juillet 2024, le taux de chômage chez les jeunes a atteint 14,2 %, son niveau le plus élevé depuis septembre 2012, à l’exception des années de pandémie. En juillet dernier, il est passé à 14,6 %. Le Canada se dirige dans la mauvaise direction. Tandis que certains de nos pairs — les États-Unis avec 8 %, l’Allemagne avec 6 % et le Japon avec 4 % — se stabilisent ou s’améliorent, nos données empirent.
Le chômage des jeunes entraîne également une augmentation des dépenses pour un éventail de services publics, notamment le système judiciaire pénal, les soins de santé, en particulier en santé mentale, et l’aide sociale. Compte tenu de l’importance que nous accordons désormais à l’IA, il convient de noter que d’ici 2030, près de 40 % des emplois au Canada seront perturbés par l’automatisation et l’IA. Il ne s’agit pas d’une prévision lointaine, mais d’une réalité qui approche à grands pas.
Passons maintenant aux bonnes nouvelles. Une diminution du sous-emploi et du chômage chez les jeunes canadiens pourrait entraîner une augmentation du PIB réel de 18,5 milliards de dollars d’ici 2034. Si nous saisissons cette occasion, 228 000 emplois seront créés, générant 9,2 milliards de dollars en salaires et une augmentation des recettes publiques de 5,3 milliards de dollars.
Honorables sénateurs, ces chiffres sont bien plus que de simples données. Ils représentent des jeunes qui retardent leur indépendance, remettent en question leur avenir et perdent espoir. Cela a des répercussions sur nos systèmes économiques et sociaux qui sont dangereuses non seulement pour les jeunes, mais pour tout le monde. Par exemple, les employeurs doivent déjà composer avec une pénurie de main-d’œuvre dans les domaines des soins de santé, des métiers spécialisés et des technologies. Le chômage chez les jeunes alimente l’anxiété, la dépression et le désespoir. Les jeunes autochtones ou racisés, ceux qui habitent dans les régions rurales, ceux qui vivent avec un handicap et les nouveaux arrivants sont confrontés à des obstacles encore plus importants.
Les changements démographiques font en sorte que la prospérité future du Canada dépend des jeunes d’aujourd’hui. En d’autres termes, notre population vieillissante dépendra de la productivité, des contributions fiscales et des innovations de la prochaine génération.
Par ailleurs, il y a les risques politiques. Une génération qui se sent exclue est une génération qui se désengage, qui a un faible taux de participation au scrutin, qui participe moins à la vie civique, qui perd confiance dans nos institutions, qui s’implique moins dans le bénévolat et le service à la population ou encore qui est moins disposée à lutter contre les injustices ou à militer pour le changement. Ces préoccupations ne sont pas abstraites. Elles touchent aux fondements mêmes de notre démocratie. Lorsque les jeunes sentent qu’on ne les écoute pas ou qu’on les met à l’écart, la santé de nos institutions démocratiques est directement menacée.
Que pouvons-nous faire? Tout comme nous avons adopté l’analyse comparative entre les sexes, nous aurions tout intérêt à appliquer une perspective qui tient compte des jeunes dans la conception des lois. Imaginez si chaque projet de loi dont nous débattons ou chaque règlement que nous adoptons était systématiquement évalué non seulement en fonction de ses implications financières ou sexospécifiques, mais aussi en fonction de son incidence sur les jeunes Canadiens.
Soutenir les jeunes Canadiens nécessite la prise de mesures pratiques et audacieuses. Je donne quelques exemples : mettre à jour les politiques en matière d’automatisation dans l’économie à la demande, où de nombreux jeunes travaillent; inciter les employeurs à embaucher et à former des jeunes en quantité encore jamais vues; investir dans des programmes qui reflètent les besoins actuels et qui les satisfont à long terme, et pas seulement pour l’été; utiliser des données pour guider l’adoption de solutions fondées sur des données probantes; investir dans les activités sportives chez les jeunes, car il a été prouvé qu’elles améliorent les compétences favorisant l’employabilité et la santé mentale, sans compter que, comme nous le savons tous, les sports unifient le pays. Allez les Jays!
Voilà certains des secteurs où j’espère prêter ma voix pour que les jeunes Canadiens voient une occasion et aient le pouvoir de la saisir.
Honorables sénateurs, investir dans les jeunes, ce n’est pas de la charité. Ce n’est pas facultatif. Cela édifie le pays. Si nous ne saisissons pas le moment, nous hériterons d’une croissance plus lente, d’une division plus profonde et d’institutions plus faibles. L’histoire nous jugera non pas pour les débats que nous avons eus, mais pour notre capacité à avoir relevé les défis déterminants de cette génération. J’espère sincèrement que nous ne légiférerons pas comme si les jeunes constituaient un enjeu secondaire, car ils constituent en fait l’enjeu principal. Ils sont l’avenir de notre économie, les garants de notre démocratie et les innovateurs qui exploiteront la technologie d’une manière que nous ne pouvons qu’imaginer.
(1440)
Honorables sénateurs, imaginons le Canada dans 20 ans. Quand ils vont regarder en arrière, nos jeunes diront-ils que nous avons eu la clairvoyance de les préparer, que nous avons traité leur avenir comme l’enjeu déterminant de notre époque? Ou vont-ils dire que nous les avons laissés tomber en détournant le regard au moment où ils avaient le plus besoin de nous?
J’aimerais vous donner quelques exemples de ce que j’ai vécu en écoutant les jeunes et en travaillant auprès d’eux. Lorsque j’étais PDG de la Fondation Malala, j’ai eu la chance extraordinaire de rencontrer des filles réfugiées au Liban. Malala et moi y sommes allées avec Tim Cook, le PDG d’Apple, pour annoncer notre partenariat. À un moment donné, nous nous sommes assis en cercle avec ces jeunes femmes et, l’une après l’autre, elles nous ont raconté ce qu’elles avaient vécu. Toutefois, ce qu’elles voulaient vraiment nous dire, c’était où elles voulaient aller.
Malgré ce qu’elles ont vécu — la guerre, la mort de leurs parents, le manque de scolarisation pendant des mois, la vie dans des camps —, elles ont toutes parlé de leur désir de retourner dans leur pays, de s’instruire et d’acquérir des compétences qui leur permettraient de redonner à leur communauté et de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Leur résilience était palpable. Nombre d’entre elles sont en voie de devenir des professionnelles de la santé afin de pouvoir sauver des vies, et l’une d’entre elles deviendra architecte pour reconstruire sa ville — littéralement.
Au Canada, j’ai eu la chance de rencontrer des centaines de jeunes qui m’ont dit avoir fait ce qu’on leur avait dit de faire. On leur a dit d’aller à l’école et d’obtenir un diplôme et qu’ils se trouveraient un bon emploi. Qu’ils gagneraient bien leur vie. Qu’ils pourraient acheter une maison et fonder une famille. Des centaines de milliers de jeunes Canadiens estiment qu’ils ont fait leur part, mais que cela n’a pas porté fruit.
Honorables sénateurs, il ne s’agit pas de trouver des coupables, mais de rectifier le tir. Nous avons fait une promesse. Si elle ne peut être tenue, il faut la revoir. L’avenir des jeunes n’est pas un débat abstrait : il en va de la compétitivité de l’économie, de la survie de notre démocratie et de l’avenir du Canada.
J’espère me révéler à la hauteur de la situation, faire preuve de courage et apporter ma contribution comme si l’avenir en dépendait, car c’est effectivement le cas. Chers collègues, c’est un honneur pour moi de travailler avec vous au service du Canada, le meilleur endroit au monde où vivre, apprendre et aimer. Merci. Shukran. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
[Français]
L’honorable Sandra Pupatello : Honorables sénateurs et sénatrices, je suis honorée de prendre la parole aujourd’hui dans cette Chambre pour mon discours inaugural en réponse au discours du Trône.
[Traduction]
Je suis ravie de prendre la parole après Farah, qui a prêté serment le même jour que moi.
Je suis une enfant italienne qui a grandi dans le quartier de la Petite Italie à Windsor, en Ontario, la ville la plus au sud du Canada — 800 kilomètres plus au sud que Vancouver, pour être exacte — pratiquement entourée par deux Grands Lacs, le lac Ontario et le lac Érié, et à deux pas de Détroit, dans le Michigan. C’est le territoire traditionnel du peuple anishinabe de la Confédération des trois feux, un fait dont j’avoue ne pas avoir entendu parler pendant mon enfance.
Certains qualifieraient le fait de jouer au hockey dans la rue avec mon frère d’enfance canadienne idyllique, jusqu’à ce qu’ils apprennent que j’étais la gardienne de but de service et que je recevais régulièrement des tirs dans le ventre. C’était peut-être un signe avant-coureur de ce qui m’attendait dans ma carrière : la plupart du temps, c’était génial, mais de temps en temps, je recevais une balle de tennis dure et gelée dans le ventre.
Mes parents étaient des immigrants italiens. Ils sont arrivés dans les années 1950. Mon père a appris l’anglais en lisant le journal. Il était menuisier, mais a trouvé du travail dans une usine de pièces automobiles. Ma mère est arrivée à l’âge de 11 ans. Elle a rapidement appris l’anglais et est devenue la traductrice des amis et de la famille qui recevaient du courrier du gouvernement. Elle a commencé à travailler pour Immigration Canada comme sténographe — elle écrivait réellement à l’aide de signes sténographiques — et a pris sa retraite des années plus tard en tant qu’agente d’immigration. Elle était l’agente préférée de nombreux groupes d’immigrants, parce que c’est ainsi qu’ils arrivaient à Windsor à l’époque. Elle leur parlait lentement, en articulant chaque lettre, parce qu’elle savait que ça les aiderait à comprendre. Parfois, elle continuait à parler ainsi une fois rentrée à la maison, et nous lui disions : « Maman, tu n’es pas au travail. »
[Français]
Ma famille a toujours été très impliquée dans notre communauté italienne. Notre héritage est du Nord de l’Italie, plus précisément de la région du Frioul-Vénétie Julienne. Nous étions membres actifs du club Fogolar Furlan, qui représentait notre région. J’en suis devenue finalement la première présidente née au Canada. En 1962, chaque membre d’un petit groupe d’immigrants a fourni une contribution de 1 000 $ pour l’achat d’un terrain et, éventuellement, pour la construction d’un grand édifice pour le club. Trente ans après la construction, nous avons eu l’honneur d’être les hôtes d’une cérémonie de citoyenneté canadienne.
[Traduction]
Trente ans après avoir construit ce club italien, les maçons, les couleurs de béton et les poseurs de cloisons sèches ont été les hôtes d’une cérémonie d’immigration, la première que le gouvernement organisait en dehors de ses locaux.
[Français]
Le ministre de l’Immigration de l’époque était Sergio Marchi, qui était lui-même originaire de la région du Frioul-Vénétie Julienne.
[Traduction]
C’est ce jour-là que j’ai rencontré pour la première fois un sénateur, qui était lui aussi originaire de la région du Frioul-Vénétie Julienne. Beaucoup d’entre vous se souviendront — je l’espère — du sénateur Peter Bosa.
Alors que je menais une vie normale d’élève du secondaire — école, sports, emploi chez McDonald’s, important poste syndical chez A&P —, j’ai reçu un appel décisif. C’était en 1974. Le bureau d’Herb Gray, qui était alors mon député, m’a appelée pour m’inviter à une activité où je pouvais rencontrer le premier ministre.
En rétrospective, je ne pense pas qu’Herb Gray ait su que ses bénévoles m’avaient appelée. Je ne pense pas non plus qu’il ait su que j’avais assisté à l’activité. Cependant, pour moi, ce fut un moment charnière, non seulement parce que j’ai rencontré le premier ministre et Herb Gray, mais aussi parce que j’ai compris les rouages de la politique. J’étais accro.
En 1981, j’ai fréquenté l’Université de Port Elizabeth en Afrique du Sud. Je participais au programme d’échange étudiant du Rotary. L’apartheid était la politique gouvernementale. Nelson Mandela était encore en prison. C’était la première année où l’université autorisait toutes les races à s’inscrire.
En plus de découvrir la beauté du pays et d’obtenir mes couleurs nationales en volleyball, mon séjour là-bas a été un moment crucial de mon éveil politique. Imaginez que le cours de votre vie dépende du fait que votre numéro d’assurance sociale commence par 01 ou 04, en fonction de la couleur de votre peau.
Je suis convaincue que les gouvernements peuvent être destructeurs, mais qu’ils peuvent aussi être des partenaires qui permettent aux gens de réaliser leur plein potentiel. Je serai éternellement reconnaissante envers les rotariens que j’ai rencontrés au fil des ans, que ce soit pendant mes études ou quand j’ai travaillé pour le Rotary des années plus tard. Ils m’ont apporté de précieuses connaissances, tant à l’échelle mondiale que locale, connaissances qui me servent encore aujourd’hui.
Dans un premier discours, nous sommes censés faire part de nos réflexions sur ce qui nous amène dans cette auguste enceinte. Pour moi, c’est une question qui touche autant les personnes que les circonstances. Mon mari, Jim Bennett, fait partie de ces personnes. Contrairement à moi, il vient d’une famille très politisée. Son père était député provincial de la même circonscription où, 40 ans plus tard, il a été élu à son tour. Il se trouvait sur la côte ouest de Terre-Neuve, une région où une plus grande représentation s’impose.
Personne n’aurait pu prédire notre union. Nous nous sommes rencontrés uniquement parce qu’il s’est retrouvé à la Faculté de droit de l’Université de Windsor. Il a toujours pensé que l’on regrette les choses que l’on ne fait pas. En tant qu’avocat, il adore défendre les opprimés. Selon lui, les grands peuvent se débrouiller seuls. Ce sont les gens ordinaires qui ont besoin d’aide.
J’ai fait partie du gouvernement pendant 16 ans. Au Cabinet, on ne peut pas choisir ses fonctions — on se croise les doigts et on espère. Le premier ministre Dalton McGuinty m’a confié des portefeuilles importants, comme celui de l’éducation, où mon objectif consistait à réduire la taille des classes à 20 élèves ou moins pour tous les enfants de la 3e année et des niveaux inférieurs, avec tous les besoins en capitaux que cela exigeait.
(1450)
J’ai aussi détenu le portefeuille des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires, où seule la créativité peut faire progresser un aussi grand nombre de dossiers difficiles. Nous avons eu notre lot de premières, comme la réforme de l’aide sociale afin d’inciter les gens à recommencer à travailler et l’ouverture des dossiers d’adoption.
Mon collègue et ministre du Logement, John Gerretsen, avait trouvé une solution vraiment créative. Puisque le gouvernement fédéral avait autorisé un très grand nombre d’unités, il a renoncé aux capitaux destinés aux logements pendant que je trouvais les fonds pour les services aux personnes atteintes de troubles du développement. « Vous allez quand même atteindre vos objectifs, lui ai-je alors dit; nous élargissons simplement l’éventail de personnes qui vont en bénéficier. » Il n’y a toujours pas assez d’unités au moment où on se parle, mais au moins, nous avons fait bouger les choses.
J’ai été responsable du Secrétariat à la condition féminine, et nous avons alors créé un plan d’action sur la violence familiale auquel participaient 12 autres ministères — du jamais vu à l’époque.
C’est avec mon arrivée au Développement économique et au Commerce, en 2005, que j’ai commencé à être obsédée par l’effet des politiques publiques sur l’économie. Je voulais que l’économie suscite autant d’enthousiasme que les enjeux sociaux.
Il n’y a rien comme une grande récession pour se replacer l’esprit. Nous avons trouvé des partenaires qui nous ont aidés à venir rapidement en aide aux entreprises. Nous avons agi pour convaincre Ford de ne pas fermer l’usine de moteurs de ma région. Nous avons aussi agi pour sauver GM et Chrysler, deux sociétés qui n’existeraient plus si le gouvernement fédéral et la province n’étaient pas intervenus — et qui devraient se montrer un peu plus reconnaissantes envers nous ces jours-ci.
Nous savions où il fallait aller pour trouver des débouchés. Nous avons organisé notre première mission commerciale internationale en Alberta. Nous avons emmené des représentants d’entreprises manufacturières avec nous et nous leur avons ouvert la porte du secteur pétrolier et gazier, l’idée étant de leur donner accès à une tout autre chaîne d’approvisionnement. Tout cela n’aurait évidemment pas été possible dans ma collègue albertaine, qui a d’abord été ministre des Finances avant d’occuper le portefeuille de l’Industrie et qui a demandé à ses contacts de venir rencontrer nos entreprises.
Un journaliste de Calgary m’a appelée pour me demander en entrevue. Il m’a dit : « Voici venir l’Ontario, la queue entre les jambes, qui vient quémander du travail. » « C’est exactement ça », que j’ai répondu. Cela lui a cloué le bec.
Ce fut un grand succès, dont le point culminant a été une réception mettant en vedette le capitaine albertain du secteur industriel, Ron Southern, sans oublier Iris Evans, bien entendu, c’est-à-dire la ministre qui avait ouvert les portes à nos entreprises. La première année, 30 entreprises ontariennes étaient présentes. La troisième année, il y en avait 200. Iris et moi avons toujours gardé contact, et je suis ravie qu’elle soit ici à la tribune aujourd’hui.
Les raisons qui font que nous sommes dans une situation économique aussi difficile de nos jours sont tout autres, et nous devons à la fois trouver de nouveaux marchés et repenser nos façons de faire. À l’époque, nous voulions entamer des négociations économiques avec l’Union européenne. Peter Mandelson, qui était alors commissaire à l’Union européenne, nous a dit : « Si les provinces ne sont pas intéressées, pourquoi nous dérangerions-nous? » L’ancien ministre québécois Raymond Bachand et moi avons alors pris le chemin de Bruxelles, et, en arrivant, nous lui avons dit : « Nous représentons 70 % du PIB de notre pays. Nous voulons conclure un accord. »
Il s’agissait du premier accord commercial qui accordait une place aux provinces à la table de négociations.
Le Canada a toujours été bon pour rédiger des accords, mais nous devons ensuite les mettre en œuvre. Les entreprises choisissent la clientèle et les mécanismes logistiques les plus lucratifs. C’est ce qu’elles sont censées faire. Après, c’est à nous de faire en sorte que ces pays signataires deviennent un marché intéressant pour elles.
Franchement, je suis ravie de voir l’importance que nous accordons aux infrastructures, et plus spécialement aux transports. Nous avons déjà d’excellents corridors nord-sud, qui correspondent au sens des échanges commerciaux. L’autoroute 401 se rend au pont Ambassador, qui mène aux routes inter-États, qui elles se rendent jusqu’à la frontière avec le Mexique — et 25 % des échanges commerciaux dont il est ici question passent par mon coin de pays, Windsor.
Si nous voulons sérieusement ouvrir de nouveaux marchés, nous devons nous intéresser aux ports, aux chemins de fer et aux aéroports, que ce soit pour les passagers ou pour le fret, et nous devons tout faire pour que les échanges se fassent aussi aisément sur un axe est-ouest que sur un axe nord-sud. Nous devons écouter sérieusement ce que le milieu des affaires nous dit à propos des règlements susceptibles de rendre cet objectif atteignable.
Notre pays n’ordonne à personne d’investir, de se départir de quoi que ce soit ou de prendre de l’expansion, même si certains pays le font. Nos politiques publiques doivent apporter du soutien, et les entreprises doivent avoir envie de se lancer.
Le Canada a toujours eu la réputation d’être un partenaire de parole dans les accords internationaux. Nous respectons toujours les tribunaux et les mécanismes de règlement des différends. Si nos amis se rient des accords commerciaux légitimes, pourquoi ne le ferions-nous pas nous aussi? La pandémie a été un moment charnière pour beaucoup de gens.
[Français]
Il y a toutefois une chose positive : cela m’a permis de reprendre mes cours de français. J’ai promis que, après un peu de temps, je serais en mesure de faire un discours entièrement en français.
[Traduction]
Toutefois, voici la chose la plus importante qui me soit arrivée depuis la pandémie : je demeure obsédée par la transition vers une chaîne d’approvisionnement locale. Pourtant, dès la fin de la pandémie, les entreprises ont décidé de revenir à leurs vieilles habitudes en faisant affaire avec les mêmes clients qui importent et qui exportent des biens et des services. Dans la mesure où elles sont compétitives, nous devons réduire les risques pour elles. Que manque-t-il pour y parvenir et pour trouver des solutions de rechange locales? Il manque des données et leur analyse.
Commençons par le secteur public. On ne recueille aucune donnée visant à nous indiquer la quantité de dépenses effectuées au Canada aux échelons municipal, régional, provincial et fédéral. Quelle part de la chaîne d’approvisionnement est locale? Combien de produits et services sont importés? Il est sûrement facile de commencer dès maintenant à orienter ainsi ces milliards de dollars vers nos entreprises.
Dans les années 1980, Industrie Canada avait l’habitude de recueillir toutes sortes de données sur tous les produits et services qui étaient importés au Canada et sur leur destination. Les employés épluchaient manuellement les listes et les feuilles de calcul. Ils voyaient ce qui entrait au pays et se rendaient compte de tout ce qu’il était possible de faire ici. Nous avons cessé de recueillir ces données au début des années 2000, probablement sans envisager que 75 % de nos échanges commerciaux pourraient être menacés, comme c’est le cas aujourd’hui. Nous avons besoin de ces données et nous devons les analyser. Nous l’avons fait à l’époque des listes manuscrites. Imaginez ce que nous pourrions faire aujourd’hui.
Dans les deux cas, non seulement l’argent circule dans notre économie, mais nous donnons à nos entreprises en démarrage la possibilité d’avoir un premier gros client et nous aidons nos entreprises en difficulté à trouver de nouveaux clients ici même, chez nous — sans fluctuations monétaires ni retards à la frontière. Vous voyez où je veux en venir.
Suis-je au bon endroit pour travailler sur ces questions économiques et proposer des solutions afin d’aider notre économie? Je pense que oui.
[Français]
Je vois des géants avec qui j’ai travaillé.
[Traduction]
Il y a Clément Gignac, celui-là même qui m’a accompagnée quand j’ai fait mon entrée dans cette enceinte.
[Français]
Parmi de nombreuses initiatives, lui et moi avons organisé la première réunion conjointe du Cabinet entre le Québec et l’Ontario.
[Traduction]
J’ai travaillé avec Tony Dean, ancien secrétaire du cabinet à l’Assemblée législative de l’Ontario, qui a habilement transformé un gouvernement déficitaire en un gouvernement excédentaire tout en élargissant les services.
Il y a Peter Boehm : alors qu’il était ambassadeur en Allemagne, dans le cadre de l’une de ses nombreuses fonctions diplomatiques, j’ai vu un ambassadeur très habile et soucieux de l’économie qui rendait même les Allemands fébriles devant les perspectives d’affaires avec le Canada.
C’est un honneur pour moi de siéger à la Chambre de second examen objectif. Nous sommes ici pour donner de bons conseils sur les mesures législatives et leurs conséquences imprévues, et nous appuyer sur notre expérience pour les améliorer.
J’ai remarqué que les réussites dont je suis la plus fière ne se sont produites que parce qu’une autre personne est intervenue — une personne s’est associée à moi ou m’a donné un coup de main. C’est le meilleur aspect de l’histoire du Canada, et j’espère que vous m’aiderez tous à écrire le prochain chapitre.
Je vous remercie.
(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, le débat est ajourné.)
[Français]
Projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-206, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant.
L’honorable Clément Gignac : Honorables sénateurs, permettez-moi tout d’abord de féliciter mon amie et ex-homologue ministre de l’Économie de l’Ontario pour son discours inaugural.
Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-206, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant.
Pour ceux qui me connaissent bien, ce n’est pas mon habitude d’intervenir sur un projet de loi à l’étape de la deuxième lecture avant même qu’un comité du Sénat en soit saisi. Toutefois, est-ce bien le cas avec ce projet de loi? La réponse est non.
En effet, la session dernière, j’ai eu la chance d’étudier en profondeur le projet de loi S-233, qui était le prédécesseur du projet de loi S-206.
(1500)
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a consacré quatre réunions à l’étude de ce projet de loi, ce qui est assez typique d’un projet de loi d’intérêt public. Je crois donc être en mesure de me prononcer dès maintenant sur le fond du projet de loi.
Je commencerai par dire que l’intention de la sénatrice Pate est tout à fait louable. À l’instar de la majorité d’entre vous dans cette Chambre, je souhaite voir une réduction du taux de pauvreté dans notre société.
Il y a des raisons de croire que les transferts monétaires directs peuvent, dans certains cas, servir de solution efficace à la pauvreté. Cependant, les preuves suggèrent que l’implantation d’un revenu de base garanti universel n’est pas un remède efficace à la lutte contre la pauvreté. Un tel programme peut également être financièrement hasardeux, selon les paramètres retenus.
Le projet de loi S-206 stipule qu’un tel programme doit s’appliquer à toute personne âgée de plus de 17 ans et qu’il n’est pas obligatoire de suivre un programme d’études ou de participer au marché du travail pour y être admissible.
Le directeur parlementaire du budget, dans une analyse publiée en février 2025, a pu estimer le coût d’un tel projet. En reprenant les paramètres d’un projet pilote mené en Ontario en 2018, le directeur parlementaire du budget a estimé le coût d’un tel programme à 107 milliards de dollars par année. Qui plus est, un tel scénario nécessiterait une transformation fondamentale de notre régime fiscal et exigerait des négociations ardues avec les provinces qui y verraient, une fois de plus, une invasion du fédéral dans leur champ de compétence.
Pour votre information, la province de Québec, ma province, la championne toutes catégories des programmes sociaux au pays, avait étudié un tel projet de revenu minimum garanti en 2017. Que s’est-il passé? Le groupe d’experts indépendants d’économistes, de fiscalistes et de sociologues a recommandé au gouvernement du Québec de rejeter une telle idée. Parmi les raisons invoquées, il y avait la complexité d’une telle réforme, son coût prohibitif et les effets néfastes sur les familles monoparentales qui sont le plus dans le besoin.
Qui plus est, un système de revenu minimum garanti aurait également un effet négatif sur le taux de participation au marché du travail. Le directeur parlementaire du budget arrivait à la même conclusion : moins d’heures travaillées signifient moins de revenus pour le gouvernement, ce qui rend ce projet de loi déjà coûteux encore moins soutenable.
L’honorable Diane Bellemare, notre ex-collègue et une économiste émérite, a bien résumé pourquoi un revenu de base garanti n’est pas la bonne voie à suivre :
Il existe de nombreuses solutions auxquelles nous pouvons travailler pour éliminer la pauvreté et l’inégalité au Canada, mais un revenu de base garanti ne devrait pas en faire partie. Il est grand temps que nous abandonnions ce rêve utopique et que nous choisissions plutôt des programmes pratiques, ciblés et ayant déjà rigoureusement fait leurs preuves qui réduiront et préviendront la pauvreté, offriront des formations pour acquérir des compétences et permettront de créer un marché du travail inclusif.
Permettez-moi de partager avec vous une courte réflexion quant à la place que doivent occuper les projets de loi non gouvernementaux comme celui-ci dans le cadre des travaux de notre institution. Comme vous le savez, le nombre de projets de loi d’intérêt public déposés au Sénat a beaucoup augmenté depuis la réforme de 2015. Ce phénomène n’est pas sans conséquences. Une part grandissante de notre temps est consacrée à l’étude de ces projets de loi. La session dernière, une réunion de sous-comité sur dix portait sur ceux-ci.
À cet égard, je tiens à remercier le sénateur Housakos de sa récente intervention dans cette Chambre, quand il a partagé avec nous les paramètres qui devraient nous guider pour accepter ou rejeter des projets de loi publics du Sénat à l’étape de la deuxième lecture. Sénateur Housakos, une fois n’est pas coutume, mais je tiens à vous féliciter.
Ce sont, à mon avis, de bons critères pour évaluer si un projet de loi devrait ou non être renvoyé en comité. Quels sont ces critères? Ne pas entraîner de dépenses pour le gouvernement. Ils devraient aussi pouvoir faire l’objet d’un soutien potentiel, ici comme à l’autre endroit.
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais il y a eu une élection ce printemps, et je crois que les priorités ont changé à l’autre endroit. On se concentre davantage sur la création de richesse que sur la redistribution de richesse après 10 ans de stagnation du PIB par habitant.
En terminant, puis-je vous rappeler que le monde a aussi beaucoup changé depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche? À l’heure où des millions de Canadiens se demandent quelle sera l’ampleur du déficit fédéral la semaine prochaine, je n’ose pas penser au nouveau malaise que cela pourrait créer au sein de la population canadienne d’apprendre que le Sénat compte étudier un nouveau projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti. En raison de la nécessité d’investir 5 % de notre PIB en défense et en sécurité nationale d’ici 2035, nos efforts et notre énergie devraient plutôt aller vers des projets de loi visant à créer de la richesse. Nous ne sommes plus au pays des licornes.
Honorables sénatrices et sénateurs, je crois que nous devons être plus stratégiques dans la gestion de notre temps et la gestion de nos travaux, en plus d’être prudents dans l’utilisation des fonds publics. Pour toutes les raisons que j’ai invoquées, je vous suggère de voter contre ce projet de loi.
Merci de votre attention. Meegwetch.
L’honorable Lucie Moncion : Est-ce que le sénateur Gignac accepterait de répondre à une question?
Le sénateur Gignac : Avec plaisir, madame la sénatrice.
La sénatrice Moncion : Merci, sénateur. J’ai beaucoup apprécié votre discours. J’ai certaines réserves par rapport à quelques commentaires que vous avez faits, notamment au sujet des projets de loi d’intérêt privé ou d’intérêt public sur lesquels travaille le Sénat. Vous avez dit, par exemple, qu’il y en avait beaucoup trop.
Savez-vous que si le Sénat n’étudiait pas ces projets de loi actuellement, on ne travaillerait pas sur grand-chose dans cette Chambre?
Le sénateur Gignac : Je ne sais pas si votre commentaire s’applique à tous les sénateurs et à tous les comités, parce que notre comité a déjà tenu huit réunions pour étudier l’accessibilité au logement. Je crois qu’ici, sur le plancher de cette Chambre, il y a assez de matière grise et de puissance intellectuelle pour réfléchir à beaucoup d’études spéciales. C’est l’une des forces du Sénat.
Je me souviens qu’il y a trois ans, sous le leadership du sénateur Dean au Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense, personne ne parlait de la souveraineté de l’Arctique. C’est grâce au leadership de notre collègue qu’on a pu mener une étude spéciale et qu’on a vu l’impact que cette étude a eu sur le gouvernement.
Est-ce qu’on peut influencer les travaux? Je ne suis pas inquiet et je crois qu’on peut s’occuper autrement qu’en étudiant des projets de loi pour lesquels on sait à l’avance ce que sera le résultat, si vous avez le moindrement une lecture « politique 101 » de ce qui se passe à l’autre endroit; il est évident que l’appétit à l’égard d’un revenu minimum garanti est très proche de zéro. Voilà ma réponse.
La sénatrice Moncion : Je vous remercie de l’explication. Ici, dans cette Chambre, on est tout à fait d’accord pour ce qui est des projets de loi d’intérêt public. Il faut faire attention au travail que l’on fait ici, au Sénat, et au travail qui se fait en comité. Il y a beaucoup d’initiatives qui sont présentées au moyen de projets de loi d’intérêt public et qui pourraient devenir des études; ces études pourraient être présentées sous forme de motions, ce qui amènerait certains comités à faire eux-mêmes ces études.
Est-ce qu’il vaudrait la peine d’étudier le projet de loi sur un revenu de base garanti d’une autre manière? Plus précisément, au lieu d’avoir un projet de loi, il pourrait s’agir d’une étude qui serait beaucoup mieux encadrée par un comité qui pourrait faire l’analyse complète du dossier. Êtes-vous si convaincu d’avance? Croyez-vous qu’il ne faut pas de projets de loi ni d’études et que cela ne vaut pas la peine?
Le sénateur Gignac : Je vais faire une distinction entre un projet de loi et une motion. Dans ce cas-ci, je me suis prononcé sur un projet de loi. Une fois qu’un projet de loi est présenté — corrigez-moi si je me trompe, parce que j’ai seulement quatre ans d’expérience —, si je comprends bien comment cela fonctionne dans les comités, les projets de loi du gouvernement sont la priorité, puis les études spéciales.
(1510)
Avec un projet de loi comme celui-ci, on est obligé de mettre de côté nos études spéciales. Au Comité des banques, on a plusieurs idées d’études, parce que c’est le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Il y a beaucoup d’études que notre comité souhaiterait faire, mais on sait que de toute façon, si ce projet de loi est adopté, il ne sera pas renvoyé à notre comité, mais sans doute au Comité sénatorial permanent des finances nationales, puisque ce comité a déjà commencé à l’étudier et à travailler là-dessus.
Je sais une chose : toute étude doit être mise de côté parce qu’après les projets de loi du gouvernement, on doit analyser ce genre de projets de loi et à ce moment-là, on doit oublier les études. C’est la raison pour laquelle je me suis prononcé contre le projet de loi. D’ailleurs, le Québec a déjà analysé ce sujet en long et en large avec l’aide d’un comité d’experts, donc je serais très mal à l’aise que le Sénat étudie un tel projet de loi en comité, surtout en 2025, avec la nouvelle donne qui existe à l’autre endroit.
L’honorable Raymonde Saint-Germain : Sénateur Gignac, j’aimerais revenir sur le fond du projet de loi qui est à l’ordre du jour, donc le projet de loi S-206.
J’étais sous-ministre des Relations avec les citoyens et de l’Immigration et j’ai contribué à ce titre à l’étude qui a été faite. Vous avez affirmé dans votre discours qu’une des conclusions des experts et des nombreux spécialistes et hauts fonctionnaires qui ont été consultés était l’influence négative de ce genre de mesure sur le marché du travail — je m’en souviens très bien —, particulièrement sur le marché du travail pour les nouveaux arrivants et les personnes vulnérables. Est-ce que vous pouvez parler plus en détail de ces motifs?
Enfin, j’ai une sous-question rapide : il y a eu des consultations à l’époque et des comparaisons avec le gouvernement de l’Ontario qui ont mené à des conclusions comparables.
Le sénateur Gignac : Je ne pourrais pas répondre en détail à vos questions très pointues, mais je serai heureux de vous revenir là-dessus.
En fait, on sait que même le directeur parlementaire du budget a évalué que le taux de participation au marché du travail baisserait de 1,5 %. On en a eu un exemple avec la fameuse Prestation canadienne d’urgence, ou PCU, quand les entreprises ont indiqué qu’elles avaient eu de la difficulté à embaucher des employés à temps partiel, surtout dans le commerce de détail et dans les dépanneurs, justement en raison de cette PCU. Donc, les études ont montré que le fait d’avoir un tel système réduit l’incitatif à être sur le marché du travail.
Quant au coût, cela dépend ce que l’on vise : si l’on ne souhaite pas que les gens qui touchent les prestations liées à ces programmes soient affectés, cela fait beaucoup augmenter le déficit. De plus, si l’on souhaite qu’il n’y ait pas d’impact sur le déficit et donc que ce soit une réforme neutre sur le plan financier, comme l’avait expliqué notre ex-collègue la sénatrice Bellemare, une famille monoparentale de deux enfants va toucher moins en revenu minimum que si l’on avait ces mesures.
Je suis désolé de ne pas avoir les détails des conclusions des experts. C’est un effet pervers du revenu minimal garanti, car cela élimine cet incitatif à être sur le marché du travail ou à accepter des emplois à temps partiel.
Son Honneur la Présidente : Le temps est presque écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?
Le sénateur Gignac : Apparemment, donc cela me fait plaisir.
Son Honneur la Présidente : Est-ce que le consentement est accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Je serai brève.
Je suis d’accord avec le sénateur Gignac pour dire qu’il y a eu plusieurs études et qu’il y a un certain consensus au Québec parmi les experts selon lequel le revenu minimum garanti n’est pas la bonne voie à suivre; c’est bien vrai.
Toutefois, je considère que le fait de qualifier le projet de loi de notre collègue de « gaspillage de fonds publics » est beaucoup trop fort. Ce sont des termes qui ont été utilisés la semaine dernière pour parler de notre travail de sénateurs de façon très péjorative. Entre nous, quand on n’est pas d’accord sur des projets de loi — et dans ce cas-ci, oui, car il y a une grande partie des gens qui ne sont pas d’accord sur le projet de loi de notre collègue —, le fait de parler de « gaspillage de fonds publics » me semble vraiment de mauvais goût.
Le sénateur Gignac : Premièrement, si j’ai utilisé ces termes, c’était inapproprié, mais je suis curieux de voir la transcription, parce que dans mon discours, je n’ai pas utilisé les termes « gaspillage de fonds publics ». C’est peut-être l’impression que cela donne, et j’ai effectivement dit que ce serait coûteux et hasardeux, mais je ne crois pas avoir utilisé les termes « gaspillage de fonds publics ».
Premièrement, si on adopte l’approche du sénateur Housakos, il est tout à fait évident qu’on ne doit pas lancer des choses qui génèrent des dépenses, mais la donne a changé depuis 12 mois. On doit se pencher davantage sur la création de richesse. On devra maintenant passer de 1,5 % du PIB au chapitre de l’investissement en matière de défense à 5 % par année.
Vous savez que le budget de la Défense passera de 50 à 150 milliards de dollars par année, c’est ce que cela veut dire. Donc, si l’on passe de 50 à 150 milliards de dollars par année, il faut incessamment accélérer la création de richesse au pays, ce qui n’a pas été le cas depuis 10 ans. Notre PIB par habitant stagne. Je suis d’avis qu’un tel projet de loi est inapproprié.
Si j’ai bien dit cela, c’est dans une réponse que j’ai donnée au cours d’un échange et parce qu’il y a eu une montée de passion de ma part, et je m’en excuse. Je ne prête pas de mauvaises intentions à notre collègue la sénatrice Pate, que je respecte beaucoup. Tout comme elle, nous souhaitons tous voir une réduction du taux de pauvreté au Canada. La sénatrice Bellemare, qui est une économiste émérite et une experte du marché du travail, a bien établi que le revenu minimum garanti n’est pas la meilleure façon de procéder pour s’attaquer à ce problème.
Je vous présente mes excuses d’avance si j’ai utilisé ces termes, mais je ne crois pas avoir parlé de « gaspillage de fonds publics ».
[Traduction]
L’honorable Kim Pate : Sénateur Gignac, accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Le sénateur Gignac : Oui.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup. Je vous remercie d’avoir mentionné vos préoccupations, car il m’apparaît important de le faire.
J’aimerais vérifier quelque chose. Vous avez mentionné des chiffres et cité des économistes qui ont fait un travail incroyable par le passé, mais vous n’avez pas parlé des économistes qui se sont penchés sur ces questions et ont examiné les chiffres plus récemment, notamment le directeur parlementaire du budget — le chiffre que vous avez mentionné était la somme brute. La somme nette était de 3,6 milliards de dollars et, en fait, le directeur parlementaire du budget a parlé d’une incidence minime sur la main-d’œuvre.
Saviez-vous que des recherches récentes de la professeure Zhao montrent que, sachant qu’on dépense actuellement 90 milliards de dollars par année pour des mesures visant à contrer la pauvreté, si on adoptait une approche comme celle que nous proposons, on pourrait non seulement réduire la pauvreté de moitié, mais aussi accroître les retombées positives pour l’économie et offrir une véritable voie pour qu’un plus grand nombre de personnes soient en mesure de travailler? Connaissez-vous ces recherches?
Le sénateur Gignac : Merci, sénatrice.
Un économiste, ce n’est pas un comptable. Vous pourriez avoir trois économistes et quatre opinions différentes. Je crois que vous en êtes parfaitement consciente.
Il existe toutes sortes d’études aux paramètres divers. Je ne veux pas encombrer le Sénat de toutes sortes de chiffres. Le nouveau directeur parlementaire du budget par intérim utilise des paramètres différents. Vous savez que lorsqu’on rajuste les paramètres on obtient des résultats différents.
C’est exactement ce qui se passe dans ce cas-ci. J’ai vraiment confiance en l’ancien directeur parlementaire du budget. Il avait une excellente réputation. J’ai également beaucoup confiance en la sénatrice Bellemare. Je crois l’experte du Québec à ce sujet.
Pour toutes ces raisons, je ne vais pas...
Son Honneur la Présidente : Sénateur Gignac, je regrette de vous interrompre, mais votre temps de parole est écoulé.
(Sur la motion de la sénatrice White, le débat est ajourné.)
(1520)
Projet de loi sur la Journée de l’indépendance de la magistrature
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Moreau, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Dalphond, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-219, Loi instituant la Journée de l’indépendance de la magistrature.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur le Mois du patrimoine hellénique
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Loffreda, appuyée par l’honorable sénatrice Coyle, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-220, Loi désignant le mois de mars comme Mois du patrimoine hellénique.
L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet du projet de loi S-220, Loi désignant le mois de mars comme Mois du patrimoine hellénique.
Je remercie le sénateur Housakos, un grand Canadien d’origine grecque, d’avoir accepté de servir à titre de porte-parole favorable au projet de loi.
Les sénateurs se souviendront que j’ai présenté le projet de loi S-259 au cours de la dernière législature. Le projet de loi à l’étude aujourd’hui est exactement le même.
Mon allocution coïncide avec le jour du Non, un jour férié important du calendrier grec. C’est le 28 octobre 1940 — il y a exactement 85 ans aujourd’hui — que le premier ministre grec a rejeté la demande de Mussolini, alors dirigeant italien, d’autoriser les troupes italiennes à franchir la frontière grecque. Nous venons d’entendre l’éloquente déclaration du sénateur Housakos à ce sujet; je l’en remercie.
Il semble tout à fait approprié de parler du projet de loi S-220 en cette journée qui est associée au courage, à la solidarité et à l’héroïsme des Grecs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd’hui, j’aborderai quatre points clés. Tout d’abord, je parlerai brièvement de mes liens avec la communauté hellénique. Ensuite, je vous expliquerai comment le projet de loi a vu le jour. Je ferai ensuite un bref résumé du patrimoine grec au Canada. Enfin, je terminerai mon allocution en vous faisant part des commentaires positifs que j’ai reçus des organisations helléniques et des dirigeants communautaires qui appuient l’adoption du projet de loi S-220.
Mon discours s’inspire largement de celui que j’ai prononcé en deuxième lecture, le 1er juin 2023. Je vous invite à relire cette intervention si vous souhaitez avoir un compte rendu plus complet de mon point de vue.
Beaucoup se demandent peut-être pourquoi un Canadien d’origine italienne parraine un projet de loi visant à honorer les Canadiens d’origine grecque.
Une voix : C’est une bonne question.
Le sénateur Loffreda : C’est effectivement une bonne question. La réponse est assez simple. À bien des égards, je suis membre honoraire de cette communauté depuis des décennies. La communauté grecque de Montréal m’a plus ou moins adopté comme l’un des leurs.
Dans mon ancienne vie, j’ai eu l’honneur de soutenir divers organismes communautaires et groupes ethniques en parrainant et en présidant de nombreux événements et activités de collecte de fonds. Il y avait un grand nombre d’activités. La communauté hellénique de Montréal était certainement l’une des communautés avec lesquelles j’entretenais des liens profonds et étroits. Je pense notamment à la prestigieuse École Socrates-Démosthène.
Notre collègue, le sénateur Housakos, et moi sommes désignés parrains de la section montréalaise de l’Association hellénique éducative et progressive d’Amérique, également connue sous le nom de l’AHEPA.
Je suis également champion de la Société d’entraide des femmes grecques, un organisme sans but lucratif qui a célébré son 100e anniversaire l’année dernière et qui vient en aide aux personnes dans le besoin. Au fil des ans, je suis fier de dire que nous avons aidé la communauté à recueillir des centaines de milliers de dollars pour de nombreuses causes louables qui ont profité à divers groupes et personnes d’origine grecque. Au début du mois, j’ai eu une fois de plus l’honneur de participer à l’événement-bénéfice annuel de la Société d’entraide des femmes grecques, qui s’est tenu à Montréal.
Il y a quelques années, j’ai eu le grand honneur d’être nommé « philhellène de l’année » par la communauté hellénique du Grand Montréal pour mon militantisme et mon engagement envers la communauté. C’est le sénateur Housakos qui m’avait remis ce prix. Voilà mon lien avec cette communauté.
Plus récemment, en 2022, j’ai eu le privilège d’accompagner l’ancien Président, ainsi que les sénateurs Housakos et Saint-Germain, lors d’une visite officielle en République hellénique. Notre visite coïncidait avec le 80e anniversaire de l’établissement officiel de nos relations diplomatiques avec la Grèce. Il s’agissait de mon premier voyage international officiel en tant que sénateur. Je suis revenu au Canada déterminé à faire ce qu’il faut pour que le Parlement adopte un projet de loi visant à honorer nos communautés grecques et à célébrer les liens solides qui unissent nos deux nations.
[Français]
On dit souvent « jamais deux sans trois ». Le projet de loi que nous étudions aujourd’hui est plus ou moins la troisième version d’un même projet de loi.
En mars 2021, notre collègue la députée montréalaise Annie Koutrakis a présenté le projet de loi C-276, qui est mort au Feuilleton.
À la suite de discussions avec la députée Koutrakis et le sénateur Housakos, nous avons décidé que je prendrais le relais.
Me revoici donc aujourd’hui.
Pour la deuxième fois, je sollicite l’appui du Sénat pour ce projet de loi qui vise à reconnaître une communauté pour laquelle j’ai le plus grand respect et la plus grande admiration.
La députée Koutrakis a fait beaucoup de démarches auprès de la communauté avant de déposer son projet de loi en 2021. Bien évidemment, j’ai confiance en son travail, mais j’ai également ressenti le besoin de contacter moi-même les organisations helléniques et les leaders communautaires afin de recueillir leurs commentaires.
[Traduction]
Après avoir mené mes propres recherches, j’ai lancé des consultations au début de 2023. J’ai contacté divers organismes et de nombreuses personnes dans tout le pays, issus d’un large éventail de secteurs, notamment des organisations à but non lucratif, des universitaires, des chercheurs, des juristes, des intervenants communautaires, des chefs religieux et des personnes d’origine grecque. Au total, mon bureau a contacté près de 150 groupes et personnes distincts.
Les réactions que nous avons reçues sont unanimes : tout le monde soutient l’initiative. Les participants m’ont encouragé à présenter le projet de loi le plus rapidement possible et — sans vouloir exercer de pression — ils ont aussi exhorté les parlementaires à adopter le projet de loi dans les plus brefs délais.
Plus important encore, j’ai été ravi de recevoir des commentaires constructifs et des suggestions de modifications mineures de pure forme au préambule du projet de loi C-276, le prédécesseur des projets de loi S-259 et S-220. En collaboration avec quelques-uns de nos collègues parlementaires, dont la députée Annie Koutrakis et le sénateur Housakos, j’ai le sentiment que nous avons correctement intégré ces corrections dans le projet de loi que nous avons devant nous.
J’ai l’espoir et la certitude que le projet de loi S-220, dans sa forme actuelle, répondra aux besoins et aux aspirations de la communauté hellénique. J’espère que le comité auquel le projet de loi sera renvoyé invitera les membres de la communauté à donner leur avis.
Je tiens à remercier publiquement tous ceux qui, je pense, ont amélioré le préambule, ainsi que la députée Koutrakis, qui a fait le gros du travail dans l’élaboration initiale de ce projet de loi.
Permettez-moi d’évoquer l’histoire des Canadiens d’origine grecque. L’histoire des Canadiens d’origine grecque remonte à près de 200 ans, lorsque les premiers immigrants se sont installés à Montréal dans les années 1840. Leur nombre, initialement modeste, a augmenté au fil des ans, grâce à deux vagues d’immigration en provenance de Grèce.
La première vague a eu lieu à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, à la suite de la crise économique de 1893 qui a sévi dans la République hellénique. La deuxième vague a eu lieu après la Deuxième Guerre mondiale. Des plus de 1 million de Grecs qui ont quitté leur pays lors de cette deuxième vague, près de 120 000 personnes ont choisi le Canada comme destination.
Aujourd’hui, plus de 260 000 Canadiens d’ascendance grecque vivent dans notre pays. Ils sont forts, ils sont fiers et ils font partie intégrante de la mosaïque culturelle du Canada.
Dans un article universitaire publié en 2022, le récit suivant résume bien la manière dont les émigrants de la Grèce se sont intégrés dans leur pays d’accueil :
Au Canada, les Grecs ont tenté d’équilibrer leurs efforts d’intégration à leur nouveau pays en maintenant leur identité grecque, car bon nombre d’entre eux espéraient retourner en Grèce en moins de 10 ans.
L’auteur ajoute :
Pour diverses raisons, […] la plupart des familles d’immigrants grecs sont restées au Canada et, pour les immigrants d’origine comme pour leurs descendants, l’intégration est devenue l’objectif principal.
Je pense que cet extrait en dit long sur le Canada, sur notre hospitalité chaleureuse et notre nature bienveillante. De nombreux Grecs avaient l’intention de retourner en Europe, mais ont finalement choisi de rester ici. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce changement d’avis, mais je suis convaincu que beaucoup ont choisi de rester parce qu’ils se sentaient bien accueillis et chez eux. Ils savaient que le Canada pouvait leur offrir d’innombrables possibilités et un environnement sûr pour élever leur famille. Je sais que c’est la même chose pour la communauté italienne.
(1530)
Naturellement, à mesure que la population grecque augmentait au Canada, le nombre d’associations, d’organisations et d’églises grecques dans les collectivités partout au pays a également augmenté. En peu de temps, les Grecs ont commencé à jouer un rôle important dans nos collectivités à tous les niveaux. Comme le stipule le préambule du projet de loi, les Canadiens d’origine grecque ont apporté une contribution durable à notre pays dans divers domaines, et je sais que ces organisations ont joué un rôle essentiel dans les réussites individuelles des personnes de cette communauté.
Je remercie le sénateur Cardozo, qui avait pris la parole au sujet du projet de loi S-259 lors de la dernière législature et qui avait souligné les réalisations de 10 grands Canadiens d’origine hellénique.
Permettez-moi de vous faire part de quelques exemples de commentaires positifs que nous avons reçus de certaines associations. Il y en a beaucoup, mais il est important d’en mentionner au moins quelques-uns. Comme je l’ai mentionné plus tôt, grâce à mes consultations auprès de la communauté hellénique, j’ai recueilli un grand nombre de soutiens et d’appuis officiels de la part de Canadiens qui se réjouissent de cette initiative législative. Si je ne parviens pas à vous convaincre du bien-fondé de ce projet de loi, les dirigeants communautaires y parviendront certainement. Sinon, ce sera le sénateur Housakos.
Le Congrès hellénique canadien s’est montré très favorable au projet de loi. Le Dr Theodore Halatsis, président de cet organisme, a écrit que ce dernier « soutient fièrement et de tout cœur » mon initiative. L’ordre canadien de l’American Hellenic Educational Progressive Association — l’AHEPA — a aussi accueilli favorablement le projet de loi S-220. Comme il l’a souligné, ce projet de loi salue non seulement les contributions des Canadiens d’origine grecque au tissu socioéconomique, politique et scientifique du Canada au cours du siècle dernier, mais il saluera également les contributions de la culture et de la civilisation grecques aux valeurs canadiennes de liberté, de démocratie, d’éducation, de responsabilité civique et d’excellence individuelle et familiale.
La Fondation éducationnelle Socrate m’a écrit pour me dire à quel point le projet de loi S-220 « a suscité l’enthousiasme et la fierté » de ses membres.
Vasilios Sioulas, président de la section d’Ottawa de l’AHEPA, a écrit :
L’histoire des Grecs au Canada est riche en récits inspirants de réussite. C’est l’histoire de leur apport considérable à leur pays d’adoption.
À son avis, l’adoption du projet de loi S-220 :
[...] ravivera l’esprit immortel de nos ancêtres et attisera notre imagination pour le plus grand bien de toutes les parties concernées.
Nicolas Pantieras, son collègue à l’Association hellénique éducative et progressive d’Amérique, a également soutenu cette initiative législative. Il a déclaré ce qui suit :
En faisant du mois de mars le Mois du patrimoine grec, nous reconnaissons et célébrons la riche contribution culturelle et historique de la communauté grecque au Canada et dans le monde.
Il a ajouté ceci :
Cela permet également aux Grecs de faire connaître leur culture et leur patrimoine à l’ensemble des Canadiens, ce qui favorise le dialogue et la compréhension interculturels.
Tony Lourakis, ancien président de la fondation du patrimoine hellénique, un organisme très respecté qui fait la promotion de l’enseignement supérieur et dispense de la formation dans le domaine des études helléniques, m’a rappelé que ce qui n’est pas transmis, étudié, ou apprécié, finit par tomber dans l’oubli. Par conséquent, il a déclaré ce qui suit :
Reconnaître la culture et l’histoire helléniques est essentiel pour en assurer la préservation et pour comprendre les fondements d’une culture qui influence notre société encore de nos jours.
Il a ajouté ce qui suit :
La reconnaissance du Mois du patrimoine hellénique nous donne l’occasion de mettre en lumière l’histoire inestimable de la Grèce, tant classique que moderne, tout en soulignant la plus grande force du Canada, qui est sans aucun doute sa diversité.
Je n’aurais pas pu mieux dire.
L’archevêque Sotirios, chef de l’archidiocèse grec orthodoxe du Canada, a offert son plein soutien, tant à titre personnel qu’au nom de l’archidiocèse. Il a écrit :
Cette loi n’est pas seulement importante pour la communauté grecque qui vit aujourd’hui au pays, mais je pense qu’elle sera encore plus significative pour les générations futures qui sont nées et ont grandi dans ce glorieux pays qu’est le Canada, mais dont les racines remontent à la Grèce et à son histoire sans pareille.
Vasilis Molos, directeur de programme et responsable de la recherche aux archives gréco-canadiennes de la Fondation du patrimoine hellénique à l’Université York, a écrit :
Les mois du patrimoine donnent aux Canadiens l’occasion de célébrer la contribution de divers groupes culturels au Canada. Donner à ces communautés des moyens de faire connaître leurs histoires, leurs expériences et leurs points de vue favorise une meilleure compréhension et l’inclusion dans la société canadienne. En en sachant plus au sujet de nos différences, nous favorisons le sentiment d’appartenance au Canada et nous adoucissons les lignes au sein de la belle mosaïque canadienne.
Scott Gallimore, ancien président du conseil d’administration de l’Institut canadien en Grèce, s’est dit pleinement en faveur du projet de loi et a mentionné que « [...] l’institut croit en l’importance de cette initiative pour consolider la relation entre les deux pays [...] ».
[Français]
Le professeur Jacques Perreault, de l’Université de Montréal, qui est aussi l’un des directeurs de l’Institut canadien en Grèce, a endossé mon initiative, tout en rappelant que l’apport de la communauté grecque au développement économique et culturel du Canada et du Québec et la mise en valeur de leur héritage culturel ont contribué à construire le Canada d’aujourd’hui.
Chris Adamopoulos, un de mes très bons amis, et le personnel de l’École Socrates-Démosthène de Montréal m’ont transmis le témoignage suivant :
Nous pensons que c’est une initiative à soutenir bien sûr […] Mais surtout, à l’ère des nouvelles générations d’origine grecque, il y a un grand besoin de revitaliser leur héritage grec et aussi d’honorer la contribution des générations grecques passées.
Chers collègues, je m’arrêterai ici, mais j’aurais pu vous faire part de plusieurs autres témoignages favorables au projet de loi S-220.
Si ces témoignages n’ont pas su vous convaincre de la nécessité d’adopter ce projet de loi, je vous invite encore une fois à vous entretenir avec le sénateur Housakos, qui saura sans doute le faire.
Comme je l’ai mentionné, je m’étais imposé le devoir de bien consulter les membres de la communauté avant de présenter mon projet de loi. C’était important d’avoir leur rétroaction et leur appui. Je crois avoir bien intégré leurs commentaires dans le libellé du préambule et je crois que j’ai leur appui.
Évidemment, je souhaite aussi avoir le vôtre.
Pour ce faire, je nous encourage à adopter ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture le plus rapidement possible pour que nous puissions le renvoyer en comité.
[Traduction]
Je suis conscient que le Comité des affaires sociales, à qui ce projet de loi sera vraisemblablement renvoyé, est souvent débordé de textes à étudier. Je suis disposé à aider ses membres et son comité directeur à mener cette étude-ci aussi rapidement et harmonieusement que possible.
Plus tôt cet automne, deux autres projets de loi visant à rendre hommage aux patrimoines arabe et ukrainien ont donné lieu à une excellente collaboration. J’espère que je pourrai — mais surtout, que la communauté grecque du Canada pourra — compter sur le même esprit de collaboration et sur le soutien de tous mes honorables collègues pour que le projet de loi S-220 soit adopté le plus rapidement possible. Continuons sur notre belle lancée avant d’être inondés par les mesures législatives du gouvernement.
Je suis moi-même sur une lancée avec l’adoption du projet de loi S-1001 par l’autre endroit, la semaine dernière. Espérons que celui-ci sera adopté aussi rapidement.
Plus tôt ce mois-ci, j’ai assisté à la Soirée Ilios de la Société d’entraide des femmes grecques, et beaucoup de gens m’ont parlé de mon projet de loi. Ils se demandaient pourquoi un texte aussi simple et direct que le projet de loi S-259 n’avait pas réussi à franchir la ligne d’arrivée à la dernière législature. Si j’en parle, c’est parce que nous sommes tous conscients que la communauté grecque nous regarde et qu’elle attend patiemment que nous fassions officiellement du mois de mars le Mois du patrimoine hellénique. Cette fois encore, le gouvernement est minoritaire, alors il faut tenir compte de la pression accrue et du sentiment d’urgence que cela entraîne.
En terminant, honorables sénateurs, voici venu le moment que vous attendiez tous — eh oui, je sais que vous attendiez tous que j’en arrive à la conclusion. Toutefois, je crois qu’il est important de saluer publiquement les organismes et les personnes qui ont apporté leur aide.
(1540)
Je pourrais continuer, mais il faut bien conclure à un moment donné. En somme, ce projet de loi a de l’importance pour eux. Ils le montreront à leurs enfants et à leurs petits-enfants. De notre côté, nous participons tous à ce pan d’histoire. C’est important.
Honorables sénateurs, c’est pour moi un honneur de présenter le projet de loi S-220, Loi désignant le mois de mars comme Mois du patrimoine hellénique, et de vous parler des réalisations durables de la communauté grecque et des immenses contributions qu’elle a apportées au tissu social, culturel et économique de notre pays.
À mon avis, la réputation exceptionnelle du Canada sur la scène internationale est attribuable à notre riche histoire d’immigration et à nos politiques d’intégration efficaces. Les immigrants ont contribué à construire ce pays et à en faire l’une des nations les plus enviées au monde. La diversité qui existe au Canada est sans doute sa plus grande force et son principal atout. Nous devons être fiers de ce riche héritage, car nos différences nous rendent meilleurs. Elles ne nous divisent pas : elles nous unissent.
Je vais terminer sur une histoire touchante que j’ai racontée lors de mon intervention il y a deux ans. L’honorable Andromache Karaktsanis, première Canadienne d’origine grecque à siéger à la Cour suprême du Canada, a déjà déclaré que son nom avait toujours été pour elle un signe qui la distingue des autres.
Bon nombre de sénateurs, moi le premier, peuvent probablement se reconnaître dans son expérience. Elle n’a jamais permis que son nom soit anglicisé, car elle était fière de l’héritage qu’il représentait. Après tout, dans la mythologie grecque, Andromache est une femme forte. De plus, ses parents lui ont toujours dit qu’être différent des autres peut aussi vouloir dire être meilleur.
Je cite Mme la juge Karakatsanis :
[Au] Canada, la différence est un atout. C’est une terre de générosité et de diversité étonnantes où la fille d’un immigrant grec peut devenir juge de la Cour suprême du Canada. Les possibilités sont immenses au Canada.
Chers collègues, les Canadiens d’origine grecque méritent cette reconnaissance toute particulière. Leurs contributions ont amélioré, renforcé et dynamisé notre pays. J’espère que vous vous joindrez à moi pour honorer cet héritage durable en appuyant cette mesure législative.
En adoptant ce projet de loi, le Parlement pourrait envoyer à l’unisson un signal clair et retentissant aux Canadiens d’origine grecque. Le projet de loi S-220 nous donne l’occasion de les remercier tous de ce qu’ils ont fait et de faire en sorte que désormais, tous les mois de mars, nous célébrions l’hellénisme, nous honorions les Canadiens d’origine grecque d’hier et d’aujourd’hui, nous sensibilisions les Canadiens à l’énorme contribution de ces gens à la société canadienne et nous célébrions tout ce qui est grec.
Je transmets mes meilleurs vœux à tous les Canadiens d’origine grecque en ce jour du Non. Je leur redis ma détermination à tout faire pour que ce projet de loi franchisse la ligne d’arrivée d’ici la fin de la législature. Merci. Efcharistó.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur la stratégie nationale pour la santé des sols
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Black, appuyée par l’honorable sénateur Downe, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-230, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la protection, la conservation et l’amélioration de la santé des sols.
L’honorable Todd Lewis : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi S-230, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la protection, la conservation et l’amélioration de la santé des sols. Il s’agit de mon premier discours dans cette enceinte…
Des voix : Bravo!
Le sénateur Lewis : Pouvez-vous imaginer un agriculteur qui parle des sols?
Je dois admettre que j’ai dû bien me renseigner au moment de préparer mon discours. J’ai notamment appris que le débat à l’étape de la deuxième lecture porte principalement sur le principe ou le bien-fondé du projet. La Procédure du Sénat en pratique note :
Ce débat cherche alors à répondre à des questions telles : « Est-ce une bonne politique? », « Devrait-on aller de l’avant? » et « Est-ce que ce sera une bonne loi? ».
Une autre chose que j’ai apprise dans La Procédure du Sénat en pratique, c’est que le rôle du Sénat consiste avant tout à examiner soigneusement les projets de loi, à mener des études à long terme, à représenter les régions et à protéger les minorités linguistiques et les autres minorités.
Donc, si j’ai bien compris, notre tâche lors de la deuxième lecture du projet de loi S-230 consiste à déterminer collectivement s’il s’agit d’une bonne politique, et ma tâche personnelle consiste à examiner ce projet de loi du point de vue de ma région.
Selon le sommaire, le projet de loi S-230 exige que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire élabore une stratégie nationale pour soutenir et promouvoir, partout au Canada, des initiatives visant à protéger et à améliorer la santé des sols. Il prévoit aussi la production de rapports sur la stratégie.
Le point de vue du sénateur Black est influencé par la région dans laquelle il habite : l’Ontario se heurte à des problèmes considérables, car une grande partie de ses terres agricoles sont à proximité de ses villes et risquent d’être converties en terrains résidentiels, industriels ou commerciaux. Dans ma province, la Saskatchewan, la situation est un peu différente. En fait, en ce qui concerne la santé des sols, nous avons connu de nombreuses réussites au cours des dernières décennies.
En 2016, Agriculture et Agroalimentaire Canada a publié un rapport intitulé L’agriculture écologiquement durable au Canada. Le rapport définit la qualité du sol comme « [...] l’aptitude du sol à soutenir la croissance des cultures sans se dégrader ni nuire à l’environnement ». La qualité du sol peut être dégradée par des processus naturels comme l’érosion, la salinisation, la perte de carbone organique et l’accumulation d’oligoéléments.
Le rapport d’Agriculture et Agroalimentaire Canada nous montre que, dans la plupart des provinces, la perte de sol due à l’érosion — c’est-à-dire les effets combinés du vent, de l’eau et du travail du sol — a diminué au cours de la période allant de 1981 à 2011. En 1981, seulement 29 % des terres cultivées étaient considérées comme à très faible risque. En 2011, cette proportion était passée à 61 %. Une grande partie de ce changement s’est produite dans les provinces des Prairies, grâce à l’adoption généralisée de méthodes favorisant la conservation des sols, en particulier la culture sans travail du sol.
En ce qui concerne la salinisation du sol, Agriculture et Agroalimentaire Canada indique qu’en 2011, 8 % plus de terres qu’en 1981 se trouvaient dans les catégories de risque « très faible » à « faible ». Cette amélioration s’explique en grande partie par la diminution de 78 % des mises en jachère et l’augmentation de 14 % des terres ayant une couverture végétale permanente. Une réduction des risques a été observée dans toutes les provinces des Prairies, et la baisse la plus importante a été enregistrée en Saskatchewan.
Autre bonne nouvelle, la teneur en carbone organique du sol des Prairies augmente, principalement en raison d’une réduction de l’intensité du travail du sol et des mises en jachère.
On peut lire ceci sur la page Web d’Agriculture et Agroalimentaire Canada sur la matière organique du sol :
Environ 60 % de la matière organique du sol provient du carbone. Les plantes captent le dioxyde de carbone de l’atmosphère au cours de la photosynthèse. Ce carbone est converti en forme solide dans les tissus végétaux. Les animaux et microorganismes consomment les plantes, puis ce carbone est intégré dans le réseau alimentaire. Lorsque les plantes et les animaux meurent, leurs tissus se décomposent. Au cours de ce processus, la majeure partie du carbone retourne dans l’atmosphère. Cependant, une petite partie de ce carbone organique se transforme en matière organique du sol qui ne se décompose pas aussi facilement.
Il s’agit des racines des plantes. Quand on cultive sans travailler le sol, les racines restent dans le sol et ne pourrissent pas. L’air ne les atteint pas et elles ne se transforment pas en carbone. En termes simples, c’est ainsi que fonctionne le cycle du carbone. Les améliorations relatives à la matière organique sont principalement attribuables au fait que le sol n’a pas été travaillé et que les racines n’ont pas été exposées à l’air.
La matière organique du sol fixe ses particules les unes aux autres. Cela permet de stabiliser la structure du sol; de réduire l’érosion; d’améliorer la capacité du sol de stocker et de transporter l’air, l’eau et les éléments nutritifs; d’améliorer la maniabilité du sol ou son état d’ameublissement; de lier les substances potentiellement nocives, par exemple les métaux lourds et les pesticides, ce qui réduit leurs effets néfastes sur l’environnement; et d’agir comme un réservoir de stockage pour le dioxyde de carbone capté dans l’atmosphère.
Dans les Prairies, nous corrigeons d’anciennes pratiques qui ont causé la dégradation des sols. Comme le soulignent Lana Awada et ses coauteurs dans un article publié en 2014 dans la revue International Soil and Water Conservation Research :
Dans les années 1930, les Prairies ont connu une période de grande sécheresse et de tempêtes de poussière. Par conséquent, cette période a été baptisée « les sales années 1930 »; la région faisait alors partie du « bol de poussière » [...]
(1550)
Comme le souligne Mme Awada, face à la crise du bol de poussière, les gouvernements, les fermes expérimentales, les universités et les agriculteurs ont œuvré de pair. Les agronomes pédologues ont confirmé que le travail du sol devait être réduit au strict minimum, que la terre ne devait être travaillée que pour lutter contre les mauvaises herbes et que les résidus de cultures et de mauvaises herbes devaient rester en surface pour réduire l’érosion du sol.
En 1935, le gouvernement fédéral a mis en place l’Administration du rétablissement agricole des Prairies, ce qui comprenait la création de sous-stations expérimentales, d’associations pour le progrès de l’agriculture, de pâturages communautaires, de projets d’approvisionnement en eau et de programmes d’aménagement de brise-vent. L’Administration du rétablissement agricole des Prairies a collaboré avec des fermes expérimentales, des universités, des organismes provinciaux et des agriculteurs pour favoriser le partage de connaissances et la rétroaction dans le but de mettre au point des pratiques agricoles plus durables.
Les associations pour le progrès de l’agriculture ont facilité l’échange d’information entre les différents membres du réseau. Cependant, ces progrès ont coïncidé avec la Grande Dépression, qui a poussé les agriculteurs à donner la priorité à leur survie immédiate. La conjoncture étant difficile, le travail du sol favorable à la conservation n’était pas la norme.
Après l’introduction du paraquat, un herbicide, et de certains semoirs pour semis direct dans les années 1960, des chercheurs expérimentant des systèmes de semis direct à faible perturbation ont rapporté que les rendements de ce système étaient aussi bons que ceux des systèmes de travail du sol traditionnels. Les premiers adeptes de la technologie du travail du sol favorable à la conservation ont partagé leurs connaissances avec les associations de travail du sol favorable à la conservation, les agents, les scientifiques, les représentants des fabricants d’équipement et d’autres agriculteurs. Néanmoins, les obstacles à l’adoption du travail du sol favorable à la conservation ont persisté dans les années 1970. Dans les années 1980, cependant, le problème de la dégradation des sols, aggravé par la sécheresse, est réapparu.
Mme Awada note que trois publications ont contribué de manière importante à faire comprendre l’importance de la dégradation des sols au Canada : Land Depletion and Soil Conservation Issues on the Canadian Prairies, de l’Administration du rétablissement agricole des Prairies; Will the Bounty End?: The Uncertain Future of Canada’s Food Supply, de Garry Fairbairn; et Nos sols dégradés : le Canada compromet son avenir, du Comité sénatorial permanent de l’agriculture, des pêches et des forêts — comme il s’appelait à l’époque —, alors qu’il était présidé par le sénateur Herb Sparrow.
Mme Awada écrit que le rapport du sénateur Sparrow a ouvert la voie à la création du Conseil canadien de conservation des sols et de la société pour la conservation des sols de la Saskatchewan. Ces organismes ont ensuite répondu aux questions des agriculteurs, fourni une assistance technique, organisé des journées champêtres et des ateliers sur l’utilisation efficace des techniques de travail de conservation du sol et offert du soutien social et moral.
Puis, dans les années 1990, le prix de l’herbicide glyphosate a baissé, celui du carburant a augmenté et les taux d’intérêt ont diminué. La jachère d’été et le travail traditionnel du sol sont devenus plus coûteux que le travail de conservation, ce qui a incité les agriculteurs à profiter des taux d’intérêt plus bas pour investir dans des machines.
Aujourd’hui, plus de 75 % des terres cultivées dans les Prairies font l’objet d’une forme ou d’une autre de travail de conservation du sol, et plus de 50 % sont cultivées sans travail du sol.
Cependant, dans les régions du Canada à l’est du Manitoba, le carbone organique du sol est généralement en diminution en raison de la conversion constante des prairies artificielles et des prairies de fauche en cultures annuelles ou en zones aménagées.
Au cours des sales années 1930, le gouvernement fédéral a créé l’Administration du rétablissement agricole des prairies, ou ARAP. Dans les années 1980, l’ARAP a publié un rapport qui a grandement contribué à faire comprendre l’importance de la dégradation des sols au Canada. Il en va de même pour le rapport rédigé par le Comité sénatorial permanent de l’agriculture, des pêches et des forêts. Ce que je veux dire, c’est que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer en matière de santé des sols.
Selon Agriculture et Agroalimentaire Canada, en 2021, plus de la moitié des terres cultivées du centre du Canada et du Canada atlantique présentaient un risque élevé de dégradation des sols en raison de la perte de carbone organique.
Nous devons également faire preuve de vigilance dans l’Ouest canadien. Les prairies accumulent et stockent le carbone, purifient l’eau, atténuent les risques d’inondation et constituent l’habitat des espèces des prairies. Mais plus de 80 % des prairies canadiennes ont disparu au profit de la production agricole ou du développement urbain.
Le sol est à la base de toutes les activités au Canada, que ce soit dans le Nord, le Sud, l’Est ou l’Ouest, dans les zones urbaines ou rurales. C’est pourquoi la protection, la conservation et l’amélioration des sols sont si importantes pour toutes les régions du pays. La santé des sols peut être améliorée grâce à des pratiques de gestion qui ajoutent du carbone aux sols, comme la réduction de la jachère d’été, la réduction du travail du sol, la plantation de cultures à résidus élevés et l’épandage de fumier, ainsi que par la préservation des zones naturelles qui accumulent et stockent le carbone. Cela profite à tous.
Bref, chers collègues, j’estime que le projet de loi S-230 est une bonne politique et je suis fier de l’appuyer à l’étape de la deuxième lecture. Je vous remercie.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente : Souhaitez-vous poser une question, sénateur Black?
L’honorable Robert Black : S’il vous plaît, oui. Mon collègue accepterait-il d’y répondre?
Le sénateur Lewis : Oui.
Le sénateur Black : Merci. Les témoins que nous avons entendus pour la rédaction du rapport sur la santé des sols nous ont dit qu’il existe de grandes disparités entre les régions. Je félicite d’ailleurs l’Ouest du pays, et plus particulièrement la Saskatchewan, car nous avons entendu de bonnes nouvelles sur la santé des sols là-bas.
Je connais l’épaisseur de la couche arable dans ma région de la province, mais j’aimerais en connaître l’épaisseur dans votre ferme, en Saskatchewan.
Le sénateur Lewis : Nous sommes dans un secteur unique, au sud de Regina. Il s’agit en fait d’anciens fonds marins, et sur une partie des terres près de ma ferme, l’inclinaison est d’à peine un pouce sur plus de trois miles. C’est vous dire à quel point c’est plat. La couche arable fait 25 pieds. Il n’y a donc pas de puits. Il n’y a pas d’eau souterraine. Il faut creuser des mares-réservoirs, et certaines peuvent atteindre 25 pieds de profondeur. Nous étendons la terre sur la surface du sol et nous l’ensemençons l’année suivante. Bref, notre région n’a pas vraiment de profil pédologique. Il n’y a que de la terre noire.
Pour ce qui est du succès que connaît l’Ouest du pays, si j’en parle, c’est parce qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire et protéger nos sols.
Des voix : Bravo!
[Français]
L’honorable Réjean Aucoin : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?
[Traduction]
Le sénateur Lewis : Oui.
Le sénateur Aucoin : La question est la suivante : serait-il possible d’expédier une partie de ces sols jusqu’aux Maritimes?
Le sénateur Lewis : Je ne suis pas certain que le réseau ferroviaire soit adapté à un tel projet.
(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, le débat est ajourné.)
[Français]
Les travaux du Sénat
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, avant de procéder à la période des questions avec la ministre, je tiens à vous rappeler les durées fixées par le Sénat pour les questions et les réponses, conformément à l’ordre du 4 juin 2025.
Lorsque le Sénat reçoit un ministre pour la période des questions, comme c’est le cas aujourd’hui, la durée de la question principale est limitée à une minute et celle de la réponse à une minute 30 secondes. La question supplémentaire et la réponse sont limitées à 45 secondes chacune. Dans tous ces cas, le greffier lecteur se lèvera 10 secondes avant l’échéance de ces délais.
Je demande maintenant à la ministre d’entrer et de prendre sa place.
(1600)
PÉRIODE DES QUESTIONS
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 4 juin 2025, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.)
Les travaux du Sénat
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd’hui l’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones, pour la période des questions afin qu’elle réponde à des questions concernant ses compétences ministérielles.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue.
Madame la ministre, comme je l’ai déjà indiqué au Sénat, la durée pour une question principale est limitée à une minute, et la durée de votre réponse est limitée à une minute 30 secondes. Pour la question supplémentaire, la durée de la question et de la réponse est limitée à 45 secondes chacune. Le greffier lecteur se lèvera 10 secondes avant l’échéance de ces délais. La période des questions sera d’une durée de 64 minutes.
[Traduction]
Les services aux Autochtones
La Loi sur les Indiens
L’honorable Mary Jane McCallum : Bienvenue, madame la ministre.
Bien que le projet de loi S-2 fasse un petit pas en avant pour remédier à l’une des nombreuses inégalités qui subsistent dans la Loi sur les Indiens, les conclusions de l’étude menée par notre comité sont sans équivoque. Il est urgent de régler la question de l’exclusion après la deuxième génération. Comment pouvez-vous justifier l’adoption du projet de loi S-2 alors qu’il soumet les plaignants de l’affaire Nicholas aux mêmes dispositions discriminatoires, perpétuant ainsi un cycle continu de litiges pour les générations futures, puisqu’elles se heurteront aux mêmes inégalités?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci.
[Note de la rédaction : La ministre s’exprime dans une langue autochtone.]
Merci d’avoir posé cette question.
Je suis très heureuse d’être ici aujourd’hui. Je souhaite parler du projet de loi S-2. Je veux m’assurer que les 3 500 personnes en situation d’émancipation ne soient plus empêchées de s’inscrire. Je suis déterminée à mener à bien ce processus. J’ai demandé à ma sous-ministre de veiller à ce que les personnes qu’elle a identifiées puissent obtenir une réponse le plus rapidement possible. Cet aspect du projet de loi S-2 est au sommet de mes priorités.
Je sais que le Sénat a accompli un travail considérable sur la modification législative concernant la deuxième génération. Je voudrais dire un mot sur un point que vous avez soulevé, à savoir les litiges. En tant que ministre, j’ai le devoir de consulter les communautés. Si j’essaie d’éviter les consultations, la question des litiges prendra de l’ampleur, par rapport à ce que l’on peut voir dans le cadre de l’étude de ce projet de loi.
En ma qualité de ministre, je veille à collaborer avec les communautés auxquelles je fournis des services. En tant qu’ancienne Cheffe autochtone, je respecterai avant tout l’obligation de consulter dans l’exercice de mes fonctions.
La sénatrice McCallum : Même si les intentions du gouvernement sont louables, son approche est fragmentaire et réactive : il faut que les tribunaux imposent des changements pour qu’il agisse. Entre chaque série de litiges, nous entendons de nouvelles promesses de consultation et de collaboration, mais le cycle se répète. Les consultations ont lieu depuis plus de 30 ans. Quel sera l’objet des consultations?
Mme Gull-Masty : Je vous remercie de votre question complémentaire.
Je tiens à ce que le Sénat comprenne bien dans ma réponse l’importance du processus de consultation en ce qui concerne le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
En 2023, nous avons lancé un processus ayant pour but de trouver une solution qui soit déterminée par la communauté. Elle sera proposée au ministère. Nous procéderons à un examen selon des critères juridiques pour en vérifier la viabilité. Nous consulterons de nouveau la communauté pour discuter des résultats de notre examen de la viabilité juridique. C’est cela, la consultation. Consulter, c’est travailler avec nos partenaires afin qu’ils puissent définir le résultat qui sert au mieux leurs intérêts.
Les demandes de certificat de statut indien
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Bonjour, madame la ministre. Le rapport de la vérificatrice générale qui a été rendu public en juin dernier nous apprend que, dans plus de 80 % des cas, le traitement des demandes d’inscription au titre de la Loi sur les Indiens dépasse la propre norme de service de votre ministère, qui est de 6 mois, et que le temps de traitement moyen est de 16 mois. Ce rapport a également constaté que près de 12 000 demandes sont encore en attente, que certaines personnes doivent patienter plus de deux ans et que la formation et la surveillance du personnel laissent sérieusement à désirer.
Madame la ministre, pourquoi votre gouvernement n’a-t-il pas réussi à faire en sorte que les services d’inscription soient administrés de manière opportune et adéquate, malgré les années d’avertissements et les recommandations limpides de la vérificatrice générale?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci d’avoir soulevé cette question. Il s’agit vraiment d’une question d’une importance cruciale.
J’ai bien reçu le rapport de la vérificatrice générale, et je l’ai remerciée de son travail. Puisqu’il porte sur une période de cinq ans, j’ai demandé quelle influence la pandémie de COVID-19 avait eue sur la situation. La vérificatrice générale m’a répondu que lorsque les Premières Nations viennent présenter leurs demandes d’inscription, elles doivent remplir un certain nombre de documents au niveau provincial. Pendant la pandémie, nous n’avons pas travaillé au bureau pendant une longue période. Pour cette raison, ces documents importants et nécessaires n’étaient pas toujours disponibles, ce qui a contribué au retard.
Puisque j’ai moi-même l’obligation de m’inscrire, il est important pour moi que nous respections les délais. La norme de service que vous avez mentionnée est une cible que les employés de mon ministère se sont fixée. Nous pouvons faire mieux, car la prestation de services est quelque chose qui me tient à cœur, non seulement parce que j’y crois, mais aussi parce que bon nombre des personnes que je sers sont mes amis, ma famille et mes collègues. C’est quelque chose qui revêt une grande importance pour moi : veiller à bien travailler avec les gens que nous servons.
La sénatrice Martin : Merci. Comme je l’ai dit, il s’agit d’un arriéré de 12 000 demandes.
Le projet de loi S-2, qui a déjà fait l’objet d’une question, élargirait l’admissibilité au statut et pourrait augmenter considérablement le nombre de demandes que votre ministère aurait à traiter. Étant donné que le système est déjà aux prises avec de longs délais et un arriéré imposant, comment le gouvernement veillera-t-il à ce que Services aux Autochtones Canada soit réellement prêt à assumer la charge de travail supplémentaire et à traiter ces demandes de manière rapide et respectueuse?
Mme Gull-Masty : Je vous remercie de votre question complémentaire.
Je dirais que nous avons été extrêmement proactifs dans le travail que nous effectuons par rapport au projet de loi S-2; les fonctionnaires de mon ministère ont dressé la liste de 3 500 personnes dont le nom a été mis de côté pour faire en sorte que leur inscription soit rapide et, je dirais, traitée en urgence.
Il reste encore la question des 12 000 demandes en attente. Nous travaillons en étroite collaboration avec notre ministère pour réduire cette attente. Je tiens à faire part au Sénat de ma volonté de faire en sorte qu’on puisse obtenir son inscription aussi rapidement que son passeport.
Les jeunes Autochtones pris en charge
L’honorable Mary Coyle : Bienvenue, madame la ministre. En 2020, la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis est entrée en vigueur. Cette loi permet à Services aux Autochtones de collaborer avec les groupes autochtones qui souhaitent concevoir et offrir leurs propres services à l’enfance et à la famille.
Madame la ministre, selon les derniers chiffres de Statistique Canada, plus de 50 % des enfants pris en charge par le système sont autochtones, alors que les enfants autochtones représentent moins de 8 % de tous les enfants au pays. De plus, selon la Commission ontarienne des droits de la personne, les jeunes pris en charge par le système de protection de l’enfance courent un risque considérablement accru de démêlés avec le système de justice pénale pour les adolescents, un phénomène qualifié de « pipeline de l’aide à l’enfance à la prison ».
Comme vous le savez, les Autochtones continuent d’être surreprésentés dans les prisons, 40 % des jeunes admis dans les établissements correctionnels étant autochtones. Dans le cadre de vos nouvelles fonctions de ministre des Services aux Autochtones — et nous sommes...
Son Honneur la Présidente : Sénatrice Coyle, je suis désolée. Merci.
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci. C’est un des dossiers prioritaires de mon bureau.
(1610)
En tant que ministre, je suis convaincue qu’il est urgent d’agir avec nos partenaires pour aider les enfants qui, dans leur communauté, doivent vivre avec les conséquences des traumatismes, les enfants retirés de leur foyer, avec toutes les difficultés que cela représente pour eux.
Je vous prie de m’excuser, mais cette question me touche personnellement, car des membres de ma famille sont dans cette situation. Pour ma part, je vais parler de ce dont je peux parler. Cette question est actuellement devant les tribunaux. Je participe au processus et j’ai discuté avec de nombreuses communautés cet été. Il y a urgence. Nous avons élaboré une stratégie qui, je pense, répondra aux besoins.
Je tiens à informer le Sénat que des progrès ont été réalisés dans ce dossier. Je me suis engagée, et ma priorité absolue est de respecter la date limite fixée au 20 décembre.
La sénatrice Coyle : Merci. Dans ses derniers rapports, la vérificatrice générale Hogan a indiqué que Services aux Autochtones Canada n’apportait pas un soutien suffisant au renforcement des capacités des Premières Nations à mettre en œuvre des programmes, et qu’il adoptait une « approche passive et cloisonnée » du soutien à ces communautés. Compte tenu de cela, et de la mise en œuvre de la loi dont nous avons parlé, pourriez-vous fournir au Sénat quelques exemples de ce que votre ministère fait déjà pour renforcer les capacités des nations, des communautés et des organisations autochtones à mettre en œuvre leurs propres programmes?
Mme Gull-Masty : Merci. Tout d’abord, je tiens à dire qu’il est évident pour moi que le gouvernement envoie un signal fort quant à l’urgence de veiller à ce que les Premières Nations puissent prendre elles-mêmes les décisions qui les concernent, en collaboration avec un membre des Premières Nations. C’est une approche résolue. Je suis heureuse de faire partie du gouvernement qui agit en ce sens.
Pour ma part, dans tous mes dossiers, j’ai donné la priorité à la rapidité de réponse à nos partenaires en veillant à l’interne, au sein du ministère, à ce que nous respections le renforcement des capacités comme notre compétence clé dans la prestation de services.
Le rapport de la vérificatrice générale
L’honorable Margo Greenwood : Merci d’être venue nous rencontrer, madame la ministre.
La semaine dernière, la vérificatrice générale a présenté un rapport soulignant que Services aux Autochtones Canada n’avait pas réalisé de progrès satisfaisants dans la mise en œuvre de 53 % des recommandations issues des rapports présentés au cours de la dernière décennie visant à améliorer les programmes et les services, et ce, malgré une augmentation de 84 % du financement depuis 2019.
Le Bureau de la vérificatrice générale a relevé quatre obstacles, dont deux sont le « manque d’attention soutenue de la direction » et une « approche passive et cloisonnée du soutien aux Premières Nations ».
Comment comptez-vous surmonter les obstacles définis par la vérificatrice générale dans son rapport?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Je vous remercie de votre question.
J’ai accueilli favorablement le rapport de la vérificatrice générale. Je pense que le taux de mise en œuvre de 53 % démontre qu’il y a des progrès à faire. Je tiens également à souligner que les points réussis, selon le rapport, sont ceux sur lesquels nous avons travaillé en étroite collaboration avec nos partenaires dans le cadre d’une élaboration conjointe.
En matière de soins infirmiers, nous sommes confrontés à une pénurie criante à l’échelle nationale. Premièrement, je pense qu’il est important d’investir dans l’éducation afin d’augmenter le nombre d’infirmières autochtones. Le rapport fait mention de 100 infirmières qui ont accepté d’offrir ce service. Mon but premier est de m’assurer qu’on bénéficie de ce service au sein de la communauté.
L’un de mes objectifs prioritaires est de mettre en place des services de télémédecine afin que les gens n’aient plus à se déplacer pour se faire soigner, mais puissent bénéficier de soins prodigués par des personnes qu’ils connaissent. J’espère que ces services seront proposés dans leur langue. J’espère également qu’on veillera à assurer des services de prévention et des soins de suivi au sein de la communauté.
Le gouvernement s’efforce d’éliminer les obstacles à la reconnaissance des titres de compétences, tant pour les Canadiens que pour les nouveaux arrivants. On a un rôle à jouer dans la réponse immédiate. À long terme, cet investissement crucial dans l’éducation est l’élément qui permettra d’offrir les services de qualité dont nous avons besoin pour les Premières Nations, par les Premières Nations.
La sénatrice Greenwood : J’ai une question complémentaire. Dans le même rapport, on peut lire :
Bien qu’un plan d’action ait été élaboré, nous avons constaté que le Ministère n’avait pas fait de progrès satisfaisants dans la mise en œuvre d’aucune de nos cinq recommandations visant à faire en sorte que les collectivités des Premières Nations aient un accès continu à de l’eau potable salubre [...]
Pourriez-vous décrire comment vous comptez remédier à cela?
Mme Gull-Masty : Nous veillons à soutenir les communautés en fonction de leur situation actuelle, en éliminant les obstacles à l’innovation et en écoutant leurs attentes dans une approche culturellement adaptée afin de garantir qu’elles réalisent des progrès et améliorent leurs services. Si une communauté n’est pas en mesure de faire face à la situation dans laquelle elle se trouve, nous intégrons le renforcement de ses capacités et adoptons une approche multidimensionnelle pour l’aider à atteindre ses objectifs. Pour moi, c’est l’un des principaux enseignements à tirer de tous ces dossiers : le partenariat est essentiel.
Le soutien aux communautés autochtones
L’honorable Paul (PJ) Prosper : Bonjour, madame la ministre. Des millions de dollars destinés au financement des programmes arriveront à échéance le 31 mars 2026. Comme vous le savez bien depuis votre mandat comme Grande Cheffe, les communautés, les conseils tribaux et les organisations dépendent fortement des programmes pour assurer la santé et le bien-être de la population. Ce sont des priorités pour les communautés des Premières Nations.
Bien qu’un financement stable, prévisible et à long terme soit toujours préférable, laisser ces programmes arriver à échéance entraînerait des licenciements importants et une grande incertitude pour les Premières Nations.
Madame la ministre, en cette nouvelle ère d’austérité, comment votre ministère compte-t-il concilier la nécessité de réduire les dépenses de 15 % au cours des trois prochaines années tout en veillant à ce que les Premières Nations ne perdent pas le financement de programmes qui leur sont essentiels?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : En tant que ministre, j’ai été très impliquée dans le vaste processus de révision. J’ai travaillé en étroite collaboration avec le ministre des Finances.
Je sais que de nombreux sénateurs attendent avec impatience les nouvelles du 4 novembre concernant le budget. Je suis confiante quant aux résultats que nous allons y voir.
L’approche pangouvernementale reflète la nécessité de revoir l’efficacité des activités. J’ai fait mon travail pour améliorer l’efficacité, ainsi que pour m’assurer de protéger les investissements qui ont été réalisés au cours des 10 dernières années. Je vais maintenir cette position afin de m’assurer que les investissements futurs soient davantage harmonisés avec le plus grand nombre de détails et le plus de soutien possible pour les Premières Nations et leurs aspirations.
Nous ne sommes pas ici pour déterminer les résultats, mais pour établir des relations. Nous faisons confiance aux communautés pour savoir ce qu’elles veulent pour elles-mêmes. Je vais m’assurer que mon travail en tant que ministre reflète ce processus et que je dispose des fonds nécessaires pour le mener à bien.
Le sénateur Prosper : Merci, madame la ministre. Compte tenu de l’incertitude, du fardeau administratif et de l’impossibilité de planifier qui découlent du mode de financement des programmes, le gouvernement envisagera-t-il de mettre en place, dans un avenir rapproché, des modalités de financement stables et à long terme?
Mme Gull-Masty : Je tiens à souligner que, dans le cadre du travail que nous faisons, une grande partie du travail de codéveloppement et de codéfinition que nous avons accompli par le passé et dont il est question dans plusieurs rapports du Bureau du vérificateur général reposait sur un contexte de stabilité. C’est la meilleure approche.
Lorsque nous demandons à nos partenaires de s’investir pour définir ce qu’est un travail de qualité, nous devons, nous aussi, investir dans nos partenaires et nous assurer qu’ils ont la capacité et le soutien financier nécessaires pour accomplir ce travail de qualité. En tant que ministre, c’est important pour moi.
Oui, je crois qu’il s’agit d’un progrès, et nous nous avançons dans cette direction.
Le soutien aux enfants autochtones
L’honorable Brian Francis : Bonjour, madame la ministre. Mercredi dernier marquait l’anniversaire de naissance de feu Jordan River Anderson, qui a inspiré la création du principe de Jordan. Ce principe vise à garantir qu’aucun autre enfant des Premières Nations ne souffre comme il a souffert.
Malgré cela, près de deux décennies plus tard, trop de personnes ont encore du mal à obtenir un accès équitable et en temps opportun à des soins essentiels. En février dernier, Services aux Autochtones Canada a ajouté de nouvelles règles et a restreint les services, ce qui a entraîné encore plus de retards et de confusion.
Madame la ministre, vous vous êtes engagée publiquement à revoir ces changements. Quelles solutions votre ministère va-t-il mettre en place pour réduire l’énorme arriéré d’environ 140 000 demandes non traitées, dont 25 000 portent la mention « urgent », et pour respecter pleinement et correctement la promesse du principe de Jordan? Comment ferez-vous le suivi des progrès réalisés et comment les communiquerez-vous?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci, sénateur. Il s’agit du dossier le plus important de mon ministère. Il revêt un caractère urgent. Il y a un travail crucial à accomplir. J’ai passé tout l’été à collaborer avec des partenaires afin de donner suite aux décisions prises dans le bulletin publié en février dernier.
En tant que ministre, je dois reconnaître que certaines décisions prises au sein de ce ministère n’étaient pas conformes aux objectifs du principe de Jordan.
(1620)
Plus tôt cette année, le père de Jordan River Anderson a également communiqué avec moi et il m’a dit ceci : « Ce programme est un héritage pour mon fils. Il doit revenir là où il a vu le jour. » En tant que ministre, je vais respecter la demande de cette famille.
Les prochaines mesures que je prendrai dans ce dossier consisteront d’abord à déterminer, avec mes partenaires et la communauté, en quoi consiste cet espace. C’est ainsi que l’on définit le service que l’on va offrir. À mon avis, les consultations représentent non seulement une partie nécessaire de mon rôle en tant que ministre, mais aussi une obligation pour moi de veiller à ce que, si je change quelque chose, je le fasse d’une manière où je vais rencontrer les membres de la communauté et maximiser la réponse que je lui donne. Mon ministère a reçu pour instruction de suivre leur exemple.
Le sénateur Francis : Merci, madame la ministre. Bref, en vertu du principe de Jordan, le Canada a l’obligation légale d’offrir un accès rapide et équitable aux soins, et votre ministère doit mieux gérer ses ressources et ses capacités afin de mettre en œuvre un programme qui accorde véritablement la priorité aux enfants. J’espère que vous serez en mesure de réaliser de réels progrès et de vous engager à accroître la transparence, la reddition de compte et la certitude.
Mme Gull-Masty : Merci. Bien sûr, nous avons un objectif commun. J’ai demandé à mon ministère de me fournir une stratégie qui garantisse que nos capacités internes correspondent à ce dont nous avons besoin pour respecter nos engagements auprès de nos partenaires, en veillant à ce que nous disposions du personnel nécessaire pour traiter l’arriéré des dossiers en attente.
Je souhaite aborder la question de l’arriéré. Parmi ces dossiers, certains sont des demandes renouvelées et d’autres sont des éléments que l’on traite de manière séquentielle. Cette méthode peut parfois poser des difficultés. Je pense que le fait de disposer de critères clairs quant à ce qui est applicable ou non permettra au ministère de mieux répondre aux demandes.
Le soutien aux communautés autochtones
L’honorable Margaret Dawn Anderson : Bienvenue, madame la ministre. Ma question porte sur l’intégrité des fonds fédéraux versés aux peuples autochtones.
Au cours de la dernière décennie, les programmes fédéraux et territoriaux destinés à soutenir les communautés autochtones se sont élargis, mais des fonds continuent d’être versés à des organismes qui se déclarent autochtones, mais qui ne sont pas des détenteurs de droits reconnus, notamment le Conseil communautaire NunatuKavut, au Labrador. Le gouvernement du Nunatsiavut, qui est soutenu par l’Inuit Tapiriit Kanatami, le Conseil circumpolaire inuit et la nation innue, a indiqué clairement que le Conseil communautaire NunatuKavut n’est pas un collectif inuit et qu’il ne détient pas de droits au titre de l’article 35 de la Constitution. Verser des fonds à cet organisme enlève des ressources aux gouvernements autochtones reconnus, mine les relations fondées sur les traités et viole la Politique sur l’Inuit Nunangat, qui affirme que les ressources et les programmes fédéraux destinés aux Inuit doivent passer par les quatre organismes inuits reconnus signataires de traités.
Madame la ministre, quel processus de vérification le gouvernement mène-t-il lors de l’attribution...
Son Honneur la Présidente : Merci, madame la sénatrice.
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Je vous remercie de la question. Il est difficile pour moi de parler d’identité. Comme je l’ai dit, la consultation vise à nous permettre de définir notre identité. Quand je dis « nous », je ne parle pas en tant que ministre; je parle en tant qu’Autochtone. D’où la complexité de la question.
Il y a des gens qui savent à quel groupe ils sont affiliés et d’autres qui savent à quel groupe ils ne sont pas affiliés. Dans certains cas, c’est le gouvernement qui a déterminé qui devait être affilié et qui ne devait pas l’être. Voilà pourquoi je crois qu’il est important de donner aux communautés les moyens de définir elles-mêmes qui sont leurs membres et quel est leur statut. C’est mon objectif en tant que ministre : faire en sorte que cette voie existe. De cette façon, nous sommes en mesure de travailler avec des partenaires, car ils ont déterminé eux-mêmes leur identité.
Le gouvernement ne peut pas continuer d’essayer de déterminer dans la loi qui est membre d’un groupe. Il revient à ces groupes de reconnaître qui sont leurs membres et de déterminer leur avenir.
La sénatrice Anderson : Madame la ministre, compte tenu des préoccupations soulevées par le gouvernement du Nunatsiavut et d’autres intervenants de l’Inuit Nunangat, quelles mesures concrètes votre ministère envisage-t-il de prendre, le cas échéant, pour revoir les accords de financement existants et empêcher, à l’avenir, l’octroi de fonds à des groupes autoproclamés non reconnus qui ne représentent pas des communautés jouissant de droits?
Mme Gull-Masty : Je vous remercie de votre question. En tant que ministre, je tiens à préciser que j’ai demandé à mon ministère de veiller à ce que nous avancions avec des partenaires qui s’engagent à venir nous faire part de leurs besoins, qui ont un lien clair avec les services que nous offrons et qui ont défini une voie à suivre.
Certaines de ces questions sont actuellement examinées par les tribunaux. Pour cette raison, je peux m’exprimer sur certains sujets, mais pas sur d’autres. Cependant, je tiens à être claire : mon objectif est de m’assurer que les services que je fournis sont destinés aux peuples autochtones. Ce sont eux qui doivent le déterminer.
La nation crie de Mathias Colomb
L’honorable Mary Jane McCallum : Les 2 200 habitants de la nation crie de Mathias Colomb ont été évacués pendant 126 jours cet été en raison d’une panne d’électricité dans leur communauté. Le 20 août, un projet de génératrice de secours prêt à être mis en œuvre a été présenté à la ministre des Services aux Autochtones, mais à ce jour, aucune réponse n’a été donnée.
La nation crie de Mathias Colomb a payé 10 % des 8 millions de dollars pour la génératrice de secours prête à être expédiée, qui a été approuvée par Manitoba Hydro et des experts en réseau électrique. La Première Nation perdra son acompte de 800 000 $ si les 7 millions de dollars restants ne sont pas payés avant le 31 octobre 2025.
Allez-vous délivrer une lettre d’intention afin que la Première Nation puisse payer et obtenir cette génératrice de secours essentielle?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Je vous remercie pour la question, sénatrice McCallum.
C’est difficile pour moi. Je reçois de multiples demandes de la part des communautés, et parfois, ce sont des demandes qui ne relèvent pas du mandat de Services aux Autochtones Canada. L’un des problèmes, c’est que Services aux Autochtones Canada n’est pas responsable de l’approvisionnement des communautés en énergie. Cela relève de la province et de la société d’État.
Je suis tout à fait au courant de ce qui m’a été présenté par cette Première Nation. J’ai demandé à la province de répondre rapidement à ses besoins. Je sais que les membres de la nation crie de Mathias Colomb ont dû quitter leur communauté pour une période prolongée. Je crois que la province doit s’assurer de fournir ses services à tous ses habitants, même dans les régions éloignées ou isolées.
La sénatrice McCallum : La pratique solidement établie veut que le Canada et le Manitoba, plus précisément Manitoba Hydro, partagent les coûts de toutes les infrastructures énergétiques qui desservent les Premières Nations du Nord du Manitoba, comme les lignes de transport d’électricité et les systèmes de production d’électricité au diésel. La ministre a l’obligation constitutionnelle et fiduciale d’assurer la sécurité énergétique de la nation crie de Mathias Colomb, en particulier pour les interventions d’urgence, ce qui devient de plus en plus important, vu la fréquence et de l’intensité accrues des phénomènes météorologiques violents et des feux de forêt liés aux changements climatiques.
Mme Gull-Masty : Merci. En tant que ministre, je fais tout mon possible pour utiliser l’argent dans les limites de mon mandat. Je travaille donc avec mes collègues ministres pour harmoniser la gestion des urgences afin que nous ne nous concentrions pas uniquement sur la prévention, mais que nous donnions également aux communautés les moyens de prendre des décisions pour réagir aux urgences tout en tenant compte des considérations climatiques. Nous vivons dans une nouvelle réalité. Nous devons pouvoir nous y adapter, peu importe la province où nous vivons et la collectivité à laquelle nous appartenons.
Parallèlement, je dois aussi veiller à ne pas dépasser les limites de mon mandat. Or, la fourniture de services énergétiques à une collectivité demeure une compétence provinciale.
Le soutien aux enfants autochtones
L’honorable Rosemary Moodie : Bienvenue au Sénat.
Madame la ministre, les retards dans le traitement des demandes liées au principe de Jordan nuisent aux enfants et aux familles. Le Bureau du vérificateur général l’a déclaré, tout comme les médias. Les enfants doivent attendre des mois pour recevoir des services d’orthophonie, des aides à la mobilité, du soutien en matière d’éducation spécialisée et du soutien essentiel en santé mentale. Ces retards peuvent empêcher un enfant autiste ou atteint d’une maladie chronique de maintenir les progrès qu’il avait réalisés dans son développement, en plus de faire grimper le risque de maladies évitables.
Madame la ministre, pourriez-vous nous dire dans combien de cas liés au principe de Jordan le délai de traitement dépasse la cible fixée? Quelles mesures vous-même et les fonctionnaires de votre ministère comptez-vous prendre immédiatement pour éviter que les enfants ne soient victimes de ces retards?
(1630)
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci pour cette question. Comme je l’ai indiqué précédemment, il est essentiel pour moi de veiller à ce qu’il n’y ait plus d’arriéré à l’avenir. Un volet très important de la gestion de cet arriéré consiste à travailler avec nos partenaires pour nous assurer de cerner les cas couverts par le principe de Jordan. C’est quelque chose que nous voulons éviter : la création d’un arriéré dans le traitement des futures demandes.
En ce qui concerne les dossiers en attente de traitement à l’heure actuelle, j’ai demandé aux équipes de mon ministère de se réunir pour créer un groupe de travail afin de mettre en place une méthode pour venir à bout de l’arriéré. Pour nous, cela consiste à nous donner les moyens de réagir rapidement. Je sais que mes équipes sont composées de personnes extrêmement compétentes qui travaillent directement avec la communauté, avec les spécialistes en matière du principe de Jordan. Nous allons faire ce qu’il faut pour réaliser des progrès.
Je considère qu’il est primordial que le Sénat comprenne que nous ne pouvons pas nous précipiter pour traiter les dossiers en attente. Nous devons nous assurer de prendre les bonnes décisions pour répondre aux besoins de ces enfants. En tant que ministre, je dois également protéger leur accès à ce service à long terme. Je comprends qu’il y a un arriéré. C’est mon travail de m’en occuper et de le réduire. Dans un contexte plus large, je considère que mon travail consiste à protéger l’avenir des enfants qui ont recours à ce service.
La sénatrice Moodie : Madame la ministre, de nombreux dirigeants des Premières Nations ont fait savoir au Sénat qu’ils souhaitaient prendre le contrôle du processus lié au principe de Jordan afin de déterminer quelles dépenses sont admissibles. Madame la ministre, pourriez-vous faire le point sur l’engagement du gouvernement du Canada à soutenir un plus grand contrôle des Premières Nations sur la gestion du principe de Jordan?
Mme Gull-Masty : Merci. Je reste convaincue que c’est en travaillant avec des partenaires que l’on obtient les meilleurs résultats. Dans certaines régions, les communautés travaillent en étroite collaboration et jouent un rôle de premier plan dans la prestation des services prévus par le principe de Jordan.
Nous recherchons ces modèles de réussite. Nous souhaitons pouvoir partager ces informations avec les communautés qui n’ont pas la capacité de le faire. Je suis très ouverte à ce que les communautés souhaitent définir comme une progression. Je suis là pour veiller à ce que je dispose des ressources nécessaires, du financement nécessaire, à cette fin. Toutefois, en ce qui me concerne, la priorité absolue est d’assurer la continuité de ce service. La collaboration avec les communautés et les partenaires afin de définir la portée initiale du principe de Jordan et la direction qu’il devrait prendre est essentielle pour obtenir des résultats.
La surreprésentation des Autochtones dans les prisons
L’honorable Kim Pate : Bienvenue, madame la ministre. Merci d’être ici.
L’incarcération reste l’un des héritages les plus frappants des pensionnats et autres politiques coloniales de séparation forcée et d’institutionnalisation. En réponse à l’appel à l’action no 30 de la Commission de vérité et réconciliation, le gouvernement s’est engagé à éliminer la surreprésentation des Autochtones dans les prisons d’ici cette année — le mois dernier, en fait.
Dans les prisons fédérales, une femme sur deux et un homme sur trois sont autochtones, et, même si ce n’était pas voulu, les efforts tels que la Stratégie en matière de justice autochtone n’ont fait que perpétuer et exacerber la surreprésentation. Quels services sociaux, sanitaires, économiques et éducatifs concrets le ministère dont vous êtes responsable finance-t-il dans les communautés pour aider à mettre fin aux conditions qui font que les systèmes laissent tomber les Autochtones au point où ils finissent par se retrouver dans le seul système qui ne peut pas les refuser, c’est-à-dire le système pénitentiaire et de justice pénale?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci. Chacun des appels à l’action est un travail important qui doit être accompli. En tant qu’Autochtone, je dois reconnaître que des siècles de préjudices continuent de contribuer à la réalité à laquelle on fait face aujourd’hui, comme dans le système de justice.
Il reste encore beaucoup à faire pour répondre à cet appel. Je soutiens mon collègue, le ministre Fraser, dans le travail qu’il accomplit. Je suis tout à fait disposée à l’aider en lui faisant part de mon point de vue en tant qu’Autochtone et de ce que j’entends dans les communautés.
Cependant, il y a des services de soutien que nous devons continuer de fournir dans les communautés. La dimension de la prévention est essentielle : investir dans la petite enfance, investir dans les mesures d’aide et les foyers, adopter une approche englobant toute la famille quand un problème se pose. C’est ce que j’envisage pour d’autres dossiers, comme celui de l’aide aux enfants et aux familles, où il faut veiller à ne pas nous intéresser uniquement à l’enfant en difficulté, mais aussi à son foyer, et à travailler avec tous les membres de cette famille pour les aider dans leur processus de guérison. Une telle approche n’est pas soumise à un calendrier. Il s’agit de répondre à leurs besoins, à leur rythme, dans leur espace, et de les soutenir en fonction de leur contexte culturel, dans un contexte qui leur permet de parler leur langue ou de se prendre en main dans le cadre de programmes axés sur la terre.
La sénatrice Pate : À l’heure où le gouvernement met l’accent sur une gestion rigoureuse des dépenses publiques, comment justifie-t-il les coûts financiers et les résultats en matière de sécurité publique liés à l’incarcération massive des Autochtones? Ne pourrait-il pas accomplir davantage en réorientant ces ressources vers Services aux Autochtones Canada, notamment dans les domaines de la santé, du logement, de l’éducation, du soutien social et du revenu, afin de lutter contre la marginalisation et ainsi prévenir la victimisation et la judiciarisation?
Mme Gull-Masty : Merci. Le travail de mon collègue, le ministre de la Sécurité publique, est essentiel. Nous sommes là pour le soutenir en lui fournissant les informations dont il a besoin. Je peux vous assurer que je lui ferai part de cette question qui m’a été posée aujourd’hui. J’ai eu des discussions avec lui à ce sujet.
Nous nous efforçons vraiment d’adopter une approche interministérielle dans le cadre de notre travail. Je soutiens mes collègues. Je suis toujours là pour leur fournir les informations dont ils ont besoin, pour parler de choses qui ne relèvent pas de leur compétence, par exemple, comme je l’ai dit précédemment, de l’importance de la prévention ou de l’adoption d’une approche de justice réparatrice. Nous voulons mettre en place tous les autres mécanismes que Services aux Autochtones Canada est en mesure de leur offrir, afin de renforcer leur efficacité et leur capacité à appliquer leurs...
Son Honneur la Présidente : Merci, madame la ministre.
L’infrastructure dans les réserves des Premières Nations
L’honorable Paul (PJ) Prosper : Madame la ministre, le Sénat a entendu beaucoup de débats au sujet du projet de loi C-5, en particulier sur la partie concernant la Loi visant à bâtir le Canada. On nous a clairement indiqué que le gouvernement tiendrait compte du point de vue des Premières Nations dans la détermination des intérêts nationaux.
L’Assemblée des Premières Nations a déclaré que l’énorme déficit en matière d’infrastructures dans les réserves était une priorité majeure. Bien que le ministère des Services aux Autochtones soutienne la gouvernance dans les communautés, il n’existe aucune infrastructure liée à la gouvernance. Ainsi, des communautés comme la nation de Bear River n’ont pas de bureau de bande depuis des années. Imaginez Ottawa sans hôtel de ville.
Madame la ministre, comment votre gouvernement définit-il l’intérêt national de manière à intégrer les intérêts des Premières Nations?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci. Le gouvernement a été élu en présentant un programme qui répondait véritablement à l’urgence de la situation. Nous veillons à protéger et à défendre les intérêts du Canada, y compris ceux des peuples autochtones.
Le projet de loi C-5 prévoit cinq critères pour la mise en œuvre de grands projets, à savoir des projets prêts à démarrer, qui auront une incidence sur l’économie canadienne, qui répondront aux intérêts des Autochtones, qui bénéficieront de la participation de groupes autochtones et qui attireront également des capitaux privés.
Il y a donc du travail à faire pour veiller à ce que nous soutenions l’économie en attirant des investissements. Je suis là pour répondre au problème crucial du déficit en infrastructures, rencontrer les communautés et leur fournir les services dont elles ont besoin afin que nous puissions combler ce déficit.
Pour ce qui est de l’urgence de ce que le projet de loi C-5 tente d’accomplir, il serait injuste envers les Premières Nations de poursuivre sans leur donner le temps de déterminer comment elles s’y intègrent. Elles font partie du processus des grands projets. Je dirais que la composante publique des infrastructures liées à la gouvernance ne relève pas du champ d’application de ce projet de loi. Nous avons encore du travail à faire à Services aux Autochtones Canada.
Le sénateur Prosper : Madame la ministre, votre prédécesseure, la ministre Hajdu, m’avait demandé de soutenir l’ancien projet de loi C-61 sur l’eau en tant que parrain au Sénat. Ce dossier relevait de moi en tant que Chef régional et il faisait partie de mon appel à l’action dans les 100 premiers jours du gouvernement.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire si vous comptez présenter à nouveau un projet de loi sur l’eau et, le cas échéant, quand exactement? Sera-t-il présenté sous la forme amendée qui a été adoptée par le comité à l’autre endroit?
Mme Gull-Masty : Merci. Il est très important pour moi de garantir l’accès à une eau de qualité. Je suis Autochtone. J’ai parfois été témoin de ce à quoi ressemble un avis de faire bouillir l’eau. Je sais aussi que quand on est au gouvernement et qu’on essaie de régler un problème, on doit avoir une stratégie pour présenter un projet de loi. Je vais laisser le gouvernement faire le travail nécessaire pour établir quand il sera déposé. Je suis convaincue que ce sera positif. J’ai hâte de voir quelles seront les prochaines étapes. Je me réjouis à l’idée de travailler avec le Sénat pour déterminer à quoi ressemblera ce nouveau projet de loi.
(1640)
L’élimination des iniquités fondées sur le sexe dans la Loi sur les Indiens
L’honorable Judy A. White : Bienvenue, madame la ministre. C’est un honneur de vous accueillir ici. La nomination d’une femme autochtone au poste de ministre des Services aux Autochtones est un événement historique. Elle montre clairement que non seulement nous nous faisons entendre, mais nous faisons aussi partie des décideurs. Merci pour cela.
Je veux revenir sur le projet de loi S-2. Ma question porte là-dessus. J’aimerais savoir ce que votre ministère attend du projet de loi S-2. J’ai une question complémentaire, que je vais poser maintenant : comment votre ministère compte-t-il gérer les répercussions de l’exclusion après la deuxième génération du point de vue de la discrimination fondée sur le sexe?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci. Je vais être très franche : mon souhait le plus cher concernant le projet de loi S-2 est qu’il soit adopté sans délai afin de répondre aux attentes de ceux à qui il s’adresse, à savoir les 3 500 membres qui souhaitent retrouver leur statut. C’est ce que je propose. Mon souhait le plus cher serait que nous puissions leur apporter une réponse. Une date limite a été fixée par le tribunal. En tant que ministre, je veux m’assurer de protéger ceux qui connaissent des problèmes liés à l’émancipation.
En ce qui concerne l’exclusion après la deuxième génération, des consultations sont en cours depuis 2023. En tant que ministre, il est de mon devoir de veiller à respecter le processus de consultation. Je crois que, dans le cas de l’exclusion après la deuxième génération, il n’y a pas de solution unique pour l’ensemble du Canada. Chaque nation a des besoins et des relations avec ses membres qui lui sont propres. Je dois respecter cela et m’assurer de proposer une solution adaptée à chacune. Je ne peux y parvenir que par la voie de la consultation.
La sénatrice White : J’ai une question complémentaire. Existe-t-il un échéancier ou une feuille de route qui énonce la date de fin ou la méthode de la consultation?
Mme Gull-Masty : Merci. Pour qu’il y ait des consultations, la communauté doit déterminer la solution qu’elle souhaite adopter. Nous avons mis en place un processus qui prendra fin en décembre 2025. Au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, j’ai proposé de revenir témoigner pour parler de ce que j’avais entendu.
Je ne donnerai pas d’échéancier pour une raison bien précise. Je ne presserai pas les communautés avec lesquelles je travaille pour trouver une solution qui respecte l’échéancier d’un organisme extérieur. Il faut respecter les partenaires avec qui nous menons des consultations. Il faut leur donner la latitude dont ils ont besoin pour faire ce travail. Je sais et je sens que le Sénat est vraiment pressé de s’attaquer à cette question, et je partage ce sentiment d’urgence.
Le soutien aux communautés autochtones
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Madame la ministre, le dernier rapport de la vérificatrice générale a révélé que Services aux Autochtones Canada n’a pas mis en œuvre plus de la moitié des recommandations formulées au cours de la dernière décennie pour améliorer les programmes et les services destinés aux peuples autochtones. Malgré une augmentation de 84 % du financement, qui est passé de 13 milliards de dollars en 2019-2020 à près de 24 milliards de dollars en 2023-2024, les progrès ont été jugés insatisfaisants pour 18 des 34 recommandations.
Comment votre gouvernement explique-t-il un écart aussi important entre des dépenses records et si peu de résultats concrets?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Je dirai en tout respect que je ne peux pas être d’accord avec vous en ce qui concerne un élément de votre question. Nous ne devrions pas avoir à justifier une augmentation du financement pour remédier à des années de grave sous-financement quand il s’agit de répondre aux besoins des communautés des Premières Nations ainsi que des communautés inuites et métisses. À mon avis, il s’agit de veiller à ce que nous travaillions avec les communautés selon leur situation.
Certaines communautés avaient des capacités extrêmement élevées. Elles ont réussi à atteindre les objectifs qu’elles s’étaient fixés. Les résultats qu’elles ont obtenus sont présentés dans le rapport. D’autres communautés ont besoin d’une aide additionnelle et de capacités accrues pour atteindre les objectifs fixés dans le rapport. Malheureusement, certaines communautés ont encore du mal à progresser. Je dois toutes les soutenir et les aider selon leur situation. Si cela signifie que je ne suis pas en mesure de respecter l’échéancier de la vérificatrice générale, j’en prendrai mon parti. Par contre, je protégerai avant tout l’intégrité de ces communautés afin que les objectifs que nous avons fixés soient atteints selon la situation de chaque communauté. Je ferai tout mon possible pour les aider à progresser.
La sénatrice Martin : Je pense également aux contribuables aux milliards de dollars dépensés sans que l’on ait à rendre des comptes quant aux échecs. Madame la ministre, après des rapports de six vérificateurs généraux différents, quelles mesures concrètes le gouvernement prendra-t-il pour veiller à ce que Services aux Autochtones Canada mette enfin en œuvre les recommandations de la vérificatrice générale? Quand le Parlement peut-il s’attendre à des résultats mesurables au lieu d’une autre vérification de suivi qui répète ce qui a déjà été dit? Six vérificateurs généraux plus tard, rien n’a changé.
Mme Gull-Masty : Je vous remercie. Comme je le dis à mes collègues de la Chambre et aux gens avec qui je travaille, les problèmes des Autochtones ne voient pas être envisagés sous un angle partisan. Nous devons tâcher de les résoudre et de collaborer en tant que Canadiens. Des pages de l’histoire du pays ont eu des séquelles très dommageables et nous ont laissé un triste legs. Nous n’allons pas imposer aux Premières Nations un résultat perçu comme adéquat. Je le dis en tout respect pour la vérificatrice générale; je sais qu’elle nous fait part d’une réflexion et d’une opinion. En tant que ministre, je continuerai de répondre aux besoins des communautés et de les soutenir là où elles se trouvent.
L’infrastructure dans les réserves des Premières Nations
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Comme vous le dites, davantage d’argent a été dépensé, mais votre gouvernement parle souvent de réconciliation et de réduction du fossé en matière d’infrastructures entre les communautés autochtones et non autochtones. Or, selon des rapports récents, ce fossé s’élève désormais à environ 425 milliards de dollars — c’est la réalité — et les dirigeants autochtones se montrent sceptiques quant à la possibilité que le budget de 2025 prévoie de nouvelles sommes pour le logement, l’eau potable et les infrastructures dont les communautés ont un besoin urgent.
Vous avez déclaré que, compte tenu du budget prévu, vous aviez confiance et attendiez avec impatience ce qui sera proposé aux communautés autochtones. Pouvez-vous toutefois garantir aux sénateurs que les services essentiels aux Autochtones ne seront pas réduits pour compenser les pressions budgétaires induites par le gouvernement et que les engagements pris par votre ministère dans ce budget apporteront des améliorations concrètes et mesurables aux communautés autochtones?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Je peux vous assurer que notre objectif ne se limite pas à fournir les services essentiels. Il consiste à améliorer les services offerts et à consulter les communautés pour définir la forme que doivent prendre ces services, qui doivent être adaptés à la culture, axés sur l’obtention de résultats pour les communautés et fondés sur les déterminants sociaux liés à la culture, à la langue et à l’identité.
Je peux également vous assurer qu’un budget sera présenté le 4 novembre. C’est là que nous obtiendrons de l’information supplémentaire. J’ai dit que j’étais convaincue que nous prenions les bonnes décisions pour les peuples autochtones. J’ajouterai que je suis également convaincue que ces décisions répondent aux attentes des Canadiens à l’heure actuelle. Le Canada fait face actuellement à des problèmes redoutables et à des pressions extrêmes. Cependant, cela ne nous empêchera pas de nous acquitter de nos obligations.
Je suis très optimiste à l’égard du budget qui sera présenté le 4 novembre, et j’attends avec impatience ce moment.
La sénatrice Martin : Madame la ministre, en 2023, l’Assemblée des Premières Nations et Services aux Autochtones Canada ont publié un rapport intitulé Combler le déficit d’infrastructures d’ici à 2030, mais cet objectif semble maintenant de plus en plus inatteignable. Je sais que vous continuez d’avoir confiance qu’il sera atteint, mais quelles mesures précises le budget de cette année prévoira-t-il pour enfin réduire ce déficit de 425 milliards de dollars? Comment le ministère dont vous êtes responsable mesurera-t-il les véritables progrès réalisés au lieu de répéter les mêmes engagements d’année en année?
(1650)
Mme Gull-Masty : Je vous remercie. D’abord, Services aux Autochtones Canada collaborera avec les détenteurs de droits pour remédier à leurs préoccupations. J’estime que l’Assemblée des Premières Nations fait un travail très important. Elle met toujours en évidence les questions qui sont importantes pour les communautés — dans quelle direction elles veulent avancer. Ce document n’est qu’une référence parmi tant d’autres.
Ma responsabilité et mon devoir consistent à collaborer avec les détenteurs de droits, c’est-à-dire directement avec les communautés. Ces dernières réclament des investissements dans les infrastructures, mais également de l’aide pour réaliser de grands projets et du soutien pour renforcer les relations et créer des partenariats avec d’autres autorités publiques pour solliciter leur contribution ou leur participation dans la région. Les mécanismes de soutien économique du ministère...
Son Honneur la Présidente : Merci, madame la ministre. Votre temps est écoulé.
La Première Nation de Neskantaga
L’honorable Bernadette Clement : Madame la ministre, j’ai rencontré hier une impressionnante délégation du Nord de l’Ontario : la Première Nation de Neskantaga, y compris le Chef Gary Quisess. Je crois comprendre que vous les avez également rencontrés. L’ancien Chef de la Première Nation Neskantaga, Wayne Moonias, m’a demandé de vous faire part des enjeux suivants : la fermeture du poste de soins infirmiers, l’avenir de l’enseignement secondaire dans la communauté, la nécessité d’un centre de bien-être et de culture pour les jeunes et le remplacement de l’usine de traitement des eaux.
La délégation a laissé entendre que le gouvernement avait manqué à ses obligations envers les membres de la Première Nation de Neskantaga, et je suis d’accord. On leur a proposé des solutions provisoires alors qu’ils avaient besoin de solutions permanentes. On leur a fait des promesses alors qu’ils avaient besoin d’actions concrètes. Ces crises — approvisionnement en eau, soins de santé, suicides, logement — ont un impact sur le bien-être de la communauté.
Avez-vous pris des engagements envers les dirigeants de la nation de Neskantaga hier? Quand peuvent-ils s’attendre à ce que l’on réponde à leurs préoccupations?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci.
Oui, j’ai également rencontré pour la première fois les membres de la délégation de Neskantaga. Ils ont soulevé bon nombre des points que vous avez mentionnés. Nous avons vraiment concentré la majeure partie de notre temps sur la question des soins infirmiers. Quand un poste de soins infirmiers n’est pas ouvert, cela oblige la communauté — c’est ce qui est arrivé dans son cas — à déclarer l’état d’urgence et à évacuer, puis à se tourner vers d’autres services de santé.
Cette discussion a été extrêmement importante pour moi, car le poste de soins infirmiers est une immobilisation dans laquelle mon ministère a investi. La communauté a demandé une étude de faisabilité à long terme pour la construction d’un nouveau poste de soins infirmiers. Pour que je puisse donner suite à la demande, il faut recueillir les renseignements dont j’ai besoin afin d’effectuer l’analyse visant à déterminer l’état actuel des immobilisations.
Mon engagement envers cette communauté était de travailler avec elle pour veiller à ce que nous puissions recueillir ces renseignements de manière à dresser le portrait des immobilisations existantes et à comprendre quelle forme pourrait prendre une étude de faisabilité à long terme sur la prestation des services de soins de santé.
La sénatrice Clement : Merci, madame la ministre.
Hier, les dirigeants de la communauté m’ont informé que l’ancien gouvernement s’était engagé à commencer immédiatement la conception d’une nouvelle usine de traitement des eaux. C’était il y a deux ans. La communauté travaille depuis des années avec des experts de la gestion de l’eau pour trouver un moyen de réparer un système qui ne fonctionne tout simplement pas. La communauté a besoin d’un nouveau système.
Nous savons que cette Première Nation mettra des années, voire des décennies, avant de commencer à avoir confiance dans la sécurité de la nouvelle usine de traitement des eaux.
Les travaux doivent commencer dès maintenant. La communauté veut savoir si vous avez demandé à votre personnel de financer la conception de cette nouvelle usine.
Mme Gull-Masty : Merci.
À la fin de notre rencontre, mon équipe et moi avons eu une discussion directement avec la personne responsable de l’exploitation de l’usine de traitement des eaux. J’ai été informée de l’étude existante qui porte sur la conception de ces installations. Malheureusement, je ne disposais pas des renseignements nécessaires pour fournir une réponse à la communauté à ce moment-là.
Je sais que la Première Nation de Neskantaga fait partie des communautés qui sont soumises à un avis de faire bouillir l’eau depuis près de trois décennies. Je ne vais pas parler de l’engagement de ma prédécesseure. J’ai beaucoup de respect pour elle, et je pense qu’elle essayait de comprendre les besoins de la communauté et d’y répondre le mieux possible. Pour ma part, je veux donner la bonne réponse, et je ferai un suivi auprès de la communauté dès que je l’aurai. Nous avons convenu d’organiser une séance de suivi très prochainement.
La santé des Autochtones
L’honorable David Arnot : Madame la ministre, je vous remercie d’avoir assisté à la cérémonie d’inauguration des travaux de construction du Carrefour virtuel de la santé de la Nation dakota de Whitecap, en Saskatchewan, le 12 septembre dernier. Le modèle de téléprésence du Carrefour virtuel de la santé améliorera considérablement les résultats en matière de santé pour les personnes vivant dans des collectivités rurales et éloignées au Canada.
Le financement essentiel fourni par les gouvernements du Canada et de la Saskatchewan a joué un rôle déterminant dans cette mise en chantier. Comme nous le savons, un financement opérationnel stable et permanent permet de garantir le succès à long terme.
Madame la ministre, allez-vous vous engager, vous ou votre ministère, à financer à long terme les activités du Carrefour virtuel de la santé afin de garantir que ces résultats essentiels en matière de santé soient atteints?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Je vous remercie.
C’était un plaisir de me rendre sur ce site. Il s’agissait de mon premier voyage en Saskatchewan.
Je prends une partie du temps dont je dispose pour mettre en lumière cet incroyable projet, grâce auquel une innovation de pointe au niveau communautaire servira à offrir des services de santé virtuels. J’ai été très impressionnée — c’est un euphémisme — par le travail qui s’accomplit là-bas. J’ai été impressionnée de voir cette combinaison d’innovation et de participation de la part du médecin. J’ai l’intention de présenter cette idée à mes collègues du gouvernement afin qu’ils comprennent que l’avenir des soins de santé prend déjà forme en Saskatchewan. Nous devons saisir cette occasion, mettre cette idée de l’avant et l’appliquer dans les régions éloignées, même au-delà de la Saskatchewan.
Je tiens également à m’assurer que la réussite de ce projet soit soutenue par un financement viable. Comme on l’a déjà dit, un budget sera présenté le 4 novembre. Nous souhaitons progresser avec les gens qui travaillent à ce projet. Ce sont des partenaires très précieux. J’ai beaucoup de respect pour le Chef Darcy Bear. J’ai eu l’occasion de travailler avec lui en tant qu’ancienne Grande Cheffe chargée de revendications territoriales. J’ai vraiment beaucoup de respect pour ce qu’il a fait pour sa communauté. Je lui tire mon chapeau.
Le sénateur Arnot : Merci, madame la ministre.
Le Canada s’est engagé à établir une relation renouvelée fondée sur la reconnaissance des droits, leur mise en œuvre et des résultats mesurables. Le 22 juin 2023, le projet de loi C-51, Loi portant mise en vigueur du traité concernant l’autonomie gouvernementale et la reconnaissance de la Nation dakota de Whitecap / Wapaha Ska Dakota Oyate et modifiant d’autres lois en conséquence, a reçu la sanction royale. Les membres de la Nation dakota de Whitecap qui ont joint la communauté à la suite d’un mariage ou d’un transfert et qui ont des liens communautaires importants continuent de se heurter à un problème : ils ne sont pas admissibles à certaines prestations, comme les rentes et les prestations agricoles.
Le projet de loi S-2 n’offre pas de solution adéquate dans de telles situations. Madame la ministre, que peut-on faire pour corriger ce problème fondamental?
Mme Gull-Masty : Merci.
Le Chef Bear est un partenaire formidable. J’ai été ravie d’apprendre ces nouvelles. Je sais que ma collègue la ministre Alty, qui est responsable de ce dossier, est très favorable à ce processus. Je lui poserai une question complémentaire à laquelle elle pourra répondre.
Je tiens également à préciser que le projet de loi S-2 n’avait pas pour objectif de traiter cette question. Le travail que nous devons accomplir avec la « deuxième génération » et tout ce qui touche au statut doit vraiment être une responsabilité que nous restituons aux communautés afin qu’elles définissent entre elles, de nation à nation, au niveau des Autochtones et des Premières Nations, comment elles peuvent travailler ensemble. Nous sommes un partenaire dans ce processus.
Son Honneur la Présidente : Merci, madame la ministre. Votre temps de parole est écoulé.
L’industrie de l’aquaculture
L’honorable Mary Robinson : De nombreuses Premières Nations de la Colombie-Britannique cheminent vers leur bien-être économique grâce à l’élevage du saumon et y voient un grand potentiel pour leur avenir. La décision du gouvernement précédent d’interdire l’élevage en parcs en filet en 2029 n’est soutenue ni par les données scientifiques ni par les nations. Selon la BC Salmon Farmers Association, aujourd’hui, 100 % du saumon d’élevage de la Colombie-Britannique est élevé en accord avec les Premières Nations détentrices des droits. Le secteur emploie directement et indirectement plus de 1 000 Autochtones et engendre 134 millions de dollars de retombées économiques annuelles pour les Premières Nations.
À quoi ont ressemblé vos consultations avec les Premières Nations à cet égard? Considérez-vous qu’il s’agit d’une voie viable pour les Premières Nations dans leur quête d’autodétermination économique et de réconciliation?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci.
La chasse de subsistance et l’accès aux aliments culturels sont importants pour moi. Ceux-ci représentent environ 75 % de mon alimentation. Je suis très reconnaissante d’avoir épousé un chasseur.
Toutes les Premières Nations veulent avoir accès à leurs aliments traditionnels, non seulement parce que cela fait partie de leur culture, de leur histoire et de leur identité, mais aussi parce que cela fait partie de leur alimentation et que cela contribue à leur bien-être et à leur spiritualité. Le processus de consultation et les déterminants de la pêche au saumon rendent la situation complexe. Cela ne relève pas non plus de la compétence de mon ministère. Environnement et Changement climatique Canada a un rôle à jouer à cet égard. Je suis très encouragée par ma collègue et par son approche. J’ai hâte de poursuivre ce dialogue avec elle.
(1700)
Je veux faire preuve de respect envers les communautés et leurs consultations, et leur répondre que nous les écoutons. Nous comprenons, et je comprends personnellement, l’importance de ce qu’elles demandent. Toutefois, en tant que ministre, je veux aussi m’assurer que je travaille avec mes collègues pour vraiment souligner cette importance et expliquer pourquoi il est si important de donner suite aux consultations.
La sénatrice Robinson : Merci, madame la ministre. Il est important que le gouvernement change ses orientations politiques à cet égard. L’aquaculture est une industrie qui représente 2 milliards de dollars et emploie plus de 17 000 personnes au Canada, dans toutes les provinces et au Yukon. La science n’appuie pas cette interdiction.
Pouvez-vous vous engager dès aujourd’hui à collaborer avec la ministre Thompson sur cette importante décision afin de permettre à ces Premières Nations de poursuivre l’élevage du saumon sur leurs territoires et, surtout, de leur donner les moyens de déterminer leur avenir économique?
Mme Gull-Masty : Merci. Je promets de travailler avec ma collègue la ministre Thompson. Je sais parfaitement et je soutiens pleinement le fait que les ministres se réunissent et tentent de déterminer comment le fossé entre la protection nécessaire de la culture et des activités de pêche et le travail effectué par d’autres ministres peut être comblé. J’ajouterais qu’en plus de la ministre Thompson, tous les ministres ont la responsabilité de s’occuper des questions autochtones qui relèvent de leurs ministères. C’est mon approche en tant que ministre. J’encourage cela. J’ai eu affaire à de nombreux ministres qui étaient extrêmement sensibles à cette idée.
La Loi sur les Indiens
L’honorable Marty Klyne : Madame la ministre, bienvenue. La semaine dernière, la Nation dakota de Whitecap a recommandé deux amendements au projet de loi S-2 lors de notre réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. L’un d’eux est une solution provisoire à l’exclusion après la deuxième génération, qui menace la survie de nombreuses Premières Nations et exclut certaines personnes de leurs communautés. La Nation dakota de Whitecap propose de permettre aux Premières Nations de conférer de leur propre autorité le statut irrévocable prévu au paragraphe 6(2) à une personne ayant au moins un parent bénéficiant de ce statut ainsi qu’un lien avec la communauté.
Cette solution viable respecterait les principes d’autodétermination, de lien entre le patrimoine et le statut et de lien avec la communauté. Elle comporte également un modèle d’adhésion volontaire, puisque les Premières Nations devraient choisir d’exercer leur autorité pour conférer le statut.
Pourriez-vous envisager cet amendement provisoire comme une solution immédiate pour remédier à des préjudices urgents? Pourriez-vous offrir des précisions à cet égard?
L’honorable Mandy Gull-Masty, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones : Merci. Il est essentiel de consulter les Premières Nations au sujet de l’exclusion après la deuxième génération, car, même si le Chef Darcy Bear et la Première Nation de Whitecap estiment que cela pourrait être une solution pour eux, ce n’est peut-être pas une solution pour bien d’autres groupes. J’ai oublié le terme qu’on m’a fourni pour parler des conséquences possibles, mais cela pourrait entraîner des conséquences qui n’étaient pas prévues au moment de prendre une décision. Le terme va me revenir à l’esprit dès que je serai partie. Quoi qu’il en soit, une décision peut être très lourde de conséquences pour certaines Premières Nations.
À mon avis, la portée de cette consultation permettra aux collectivités de choisir leur solution. C’est un dossier complexe. Il n’y a pas de solution universelle. Nous devons rencontrer les communautés et les laisser trouver leur solution. On ne peut pas s’en tenir à un seul processus et tenter de l’appliquer à toutes les situations.
Encore une fois, en tant que ministre, je ne peux pas contourner le processus de consultation. J’ai l’obligation de consulter. Non seulement je suis tenue de le faire, mais, en tant qu’Autochtone, j’ai aussi demandé au gouvernement de le respecter, mais aussi de respecter cette obligation ainsi que le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Je maintiens cette position en tant que ministre.
Le sénateur Klyne : Madame la ministre, le deuxième amendement proposé par la Nation de Whitecap concerne le transfert des avantages prévus par les traités. À l’heure actuelle, quand une personne appartenant à une nation signataire d’un traité numéroté est transférée à une nation signataire d’un traité non numéroté, comme la Nation dakota, elle perd les avantages prévus par le traité. Cependant, nulle part dans les traités il n’est indiqué que le mariage ou le transfert annule ces avantages légitimes, qui sont essentiellement des héritages.
Pourriez-vous envisager un amendement afin de préciser que ces avantages ne devraient pas se perdre à la suite d’un transfert et, au contraire, considérer les droits inhérents à nos traités comme réponse?
Mme Gull-Masty : Les relations avec la Couronne relèvent du domaine de compétence de ma collègue la ministre Alty. J’ai beaucoup de respect pour elle et j’apprécie grandement notre collaboration. Nous estimons toutes deux que lorsque de tels ajustements sont nécessaires, ils doivent être dictés par la communauté.
Les consultations sur le seuil de la deuxième génération font partie du travail que nous effectuons autour de la question du statut. Une partie de son travail doit s’aligner sur cette question. Pour moi, la démarche qui s’impose, c’est de prendre le temps de vérifier que cet alignement correspond bien à ce que les communautés nous demandent de faire. C’est pour cette raison que nous réaffirmons une fois de plus l’importance du processus de consultation avec les détenteurs de droits.
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée.
Je suis certaine que vous vous joindrez à moi pour remercier la ministre Gull-Masty de s’être jointe à nous aujourd’hui. Merci.
Des voix : Bravo!
[Français]
ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur la Journée des villes et des municipalités
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Forest, appuyée par l’honorable sénatrice Dasko, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-237, Loi instituant la Journée des villes et des municipalités.
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour exprimer mon appui sincère à une initiative qui, à mon sens, vient combler un vide dans notre reconnaissance institutionnelle et démocratique : la création d’une Journée des villes et des municipalités, comme le propose le projet de loi S-237 parrainé par le sénateur Forest.
Il est temps que nous reconnaissions collectivement le rôle fondamental que jouent les municipalités dans la vie des Canadiens et des Canadiennes. J’insiste : il ne s’agit pas d’un simple geste symbolique ni d’un ajout festif à notre calendrier civique. C’est une reconnaissance concrète de la valeur, de la compétence et de l’engagement des gouvernements municipaux dans la construction du tissu social et économique de notre pays.
Trop souvent, lorsqu’on parle de gouvernance, on pense immédiatement au gouvernement fédéral ou aux gouvernements provinciaux. Pourtant, le premier gouvernement auquel les citoyens s’adressent, celui qui est le plus près d’eux, c’est la municipalité.
C’est à l’hôtel de ville que l’on se rend lorsqu’un parc a besoin d’être rénové.
En traversant la rue pour venir ici, un peu plus tôt, je me disais que si l’on veut avoir un impact en tant que gouvernement, c’est à l’échelle municipale qu’il faut aller. Le trottoir sur lequel je marchais est de compétence municipale; la rue que je traversais est de compétence municipale; les feux de circulation, la sécurité, tout cela est de compétence municipale; les tuyaux qui passent sous la rue sont de compétence municipale; l’autobus qui est passé devant moi est de compétence municipale.
En fait, lorsque j’étais maire, je m’amusais parfois aux dépens de certains citoyens qui assistaient à la période de questions et se plaignaient que la taxe de 250 $ pour la collecte des ordures était trop élevée, qu’elle n’avait aucun sens. Je m’amusais en leur proposant de faire une entente avec eux, soit de ne pas imposer de taxe sur la collecte des ordures et donc d’enlever 250 $ sur leur compte de taxes municipales, mais qu’ils devraient par contre éliminer eux-mêmes les déchets et le faire conformément à la législation, dans un site sécurisé et à leurs frais. Ils croyaient que je me payais leur tête. Je leur disais de le faire et de me dire ensuite si cela coûtait plus cher que 250 $. Cela mettait évidemment rapidement fin au débat.
C’est le maire ou la mairesse qui est interpellé quand la sécurité dans un quartier devient préoccupante. Ce sont les conseillers municipaux qui siègent chaque semaine pour entendre les préoccupations, petites ou grandes, de leurs concitoyens. C’est ce que j’appelle le « gouvernement de la réalité quotidienne ».
Ce gouvernement fonctionne souvent avec des ressources limitées et avec une lourde pression, mais toujours avec une volonté inébranlable de servir.
(1710)
Je tiens ici à saluer les élus municipaux — femmes et hommes — qui consacrent des heures, des soirs et des fins de semaine, souvent au détriment de leur vie personnelle, à faire avancer leur collectivité. Leur rôle est trop souvent mal compris ou sous-estimé. Pourtant, ils incarnent ce qu’il y a de plus noble en politique : l’engagement local, direct et désintéressé de vouloir faire le bien dans l’intérêt commun. Ce sont eux qui gèrent les infrastructures et services municipaux comme les aqueducs, les égouts, les routes locales, les camps de jour, les plans d’urbanisme, le service de police, le service de pompier, la sécurité civile, les logements abordables, l’itinérance, la gestion des budgets, la gestion de l’environnement, les impacts multiples des changements climatiques, la collecte des ordures, des matières recyclables et du compost, les parcs, les plateaux sportifs, le transport collectif, la gestion animalière, et j’en passe. Comme vous le voyez, chers collègues, la liste est longue. Si vous souhaitez avoir un impact sur la vie des gens, c’est à l’échelle municipale que le travail se fait.
Une Journée des villes et des municipalités serait une façon simple, mais forte, de leur dire merci et de souligner leur engagement.
J’aimerais aussi rappeler, comme nous l’avons vu récemment, que les municipalités sont souvent en première ligne lorsque de grandes crises surviennent. Dans le cas d’inondations, ce sont les municipalités qui coordonnent les évacuations. Lorsque surviennent des incendies de forêt, ce sont les municipalités qui mettent sur pied des centres d’accueil. Pendant la pandémie, ce sont les villes et les villages qui ont adapté leurs services, parfois du jour au lendemain, pour protéger la population. Elles sont les premières à répondre. Elles sont aussi, bien souvent, les dernières à être consultées. Pourtant, elles font preuve d’un leadership admirable, de résilience et surtout d’innovation, car elles n’ont pas le luxe d’attendre. Elles doivent agir rapidement et concrètement.
Je rappelle avec respect qu’en vertu de notre Constitution, les municipalités sont de compétence provinciale. Toutefois, leur rôle dans la vie canadienne dépasse largement cette simple mention juridique.
Le respect de nos institutions passe aussi par une reconnaissance fonctionnelle de la gouvernance municipale. Nous avons besoin de la collaboration entre les trois ordres de gouvernement : fédéral, provincial et municipal. Cette collaboration doit s’appuyer sur une reconnaissance mutuelle. Une Journée des villes et des municipalités serait un geste d’ouverture et lancerait un message clair selon lequel le Parlement du Canada reconnaît et respecte l’apport inestimable des municipalités au développement du pays.
Pensons un instant à la diversité des municipalités partout au Canada, aux grandes villes comme Montréal, Toronto, Vancouver et Calgary; aux villes de taille moyenne et dynamiques comme Trois-Rivières, Sherbrooke, Saguenay, Kelowna, Moncton et, bien sûr, Saint-Eustache, ville où j’ai eu l’honneur de servir en tant que maire. On peut penser aux petites municipalités rurales, formées parfois de quelques centaines d’habitants, et aux communautés autochtones, qui ont leur propre mode de gouvernance locale. Toutes ces entités ont des réalités différentes, mais elles ont un même objectif : celui de servir leurs citoyens avec efficacité, équité, diligence et dignité.
Nous, au Sénat, devons être à l’écoute de cette diversité. Nous devons l’honorer.
Une Journée des villes et des municipalités serait aussi l’occasion de sensibiliser la population — notamment les jeunes — à l’importance de l’engagement municipal. Bien souvent, les premiers pas dans la vie démocratique sont de voter aux élections municipales, de s’impliquer dans un comité de quartier ou dans un comité consultatif d’urbanisme et de poser des questions à son conseil municipal. Nous avons tout à gagner à valoriser la démocratie locale. En encourageant l’implication locale, on renforce la démocratie nationale. En donnant de la visibilité aux municipalités, on redonne aux citoyens le goût de s’impliquer.
Enfin, chers collègues, je vois dans cette journée une initiative rassembleuse et une occasion de mettre de côté les divisions partisanes ou géographiques pour reconnaître ce que nous avons en commun. Chaque Canadien, qu’il vive à Gaspé, à Iqaluit, à Winnipeg ou à Victoria, est citoyen d’une municipalité. Ce qui nous unit, c’est ce sentiment d’appartenance à une communauté, une ville, un quartier ou un village. C’est pourquoi je crois que le Parlement du Canada doit être au rendez-vous pour soutenir cette proposition.
Chers collègues, appuyer la création d’une Journée des villes et des municipalités n’est pas un geste anodin. C’est un geste de reconnaissance, de respect et de maturité institutionnelle. À tous ceux et celles qui, dans chaque coin du pays, travaillent à améliorer leur communauté, je dis ceci : nous vous voyons, nous vous respectons et nous sommes à vos côtés.
Je vous invite à appuyer cette initiative de tout cœur et avec la certitude qu’en reconnaissant les municipalités, nous renforçons l’ensemble du Canada. Merci.
(Sur la motion du sénateur Tannas, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Le Sénat
Motion concernant la situation à Gaza—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Woo, appuyée par l’honorable sénateur Dean,
Que, à la lumière des conclusions et des ordonnances de la Cour internationale de Justice et de la Cour pénale internationale concernant la situation à Gaza, le Sénat demande au gouvernement d’examiner le risque pour le Canada et les Canadiens de complicité dans des violations du droit international humanitaire, y compris des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et un génocide, et de faire rapport de ses conclusions dans les trois mois suivant l’adoption de la présente motion.
L’honorable Tracy Muggli : Honorables sénateurs, je tiens à remercier le sénateur Woo d’avoir présenté cette motion. Nous avons vu ce qui se passe quand le monde détourne le regard, que le droit international est bafoué et que les normes humanitaires sont mises de côté. Quand des journalistes se voient interdire de faire leur travail, que des infrastructures sont détruites et que l’aide est instrumentalisée, les civils souffrent. Ils en paient le prix de leur vie, de leur dignité et de leur bien-être mental.
Selon l’organisme Save the Children, au cours des deux dernières années de violence, au moins un enfant palestinien a été tué toutes les heures en moyenne par les forces israéliennes dans la bande de Gaza, et le nombre d’enfants tués dépasse désormais les 20 000, soit 2 % de la population d’enfants de la bande de Gaza.
Parmi les enfants qui ont été tués, plus d’un millier avaient moins d’un an. Parmi ces bébés, 450 d’entre eux sont nés et ont été tués pendant les violences. Je tiens à le répéter, chers collègues : 450 bébés sont venus au monde et sont morts pendant le génocide. Ces 450 bébés n’ont jamais connu la paix, ne serait-ce qu’un seul jour.
Voilà quelques-uns des faits qui nous ont été rapportés au cours de la dernière année par des Canadiens qui ont travaillé dans la bande de Gaza en tant que médecins et travailleurs humanitaires. Bon nombre des sénateurs ont eu l’occasion, lors de réunions informelles, d’entendre les récits des Canadiens qui sont revenus de là-bas. Beaucoup d’entre vous sont venus écouter des témoignages de première main sur la situation à Gaza et en Cisjordanie. Nous avons entendu des organisations telles que Save the Children — que j’ai citée il y a un instant —, Oxfam, la Croix-Rouge, Doctors Against Genocide, Reporters sans frontières, CARE Canada, l’UNICEF et bien d’autres.
Nous avons appris que les gens souffrent non seulement en raison des bombardements et de la famine, mais aussi des graves traumatismes psychologiques découlant des déplacements forcés et du sentiment de perte. Ce sont là les blessures invisibles de la guerre.
Je voudrais m’arrêter un instant pour souligner que ces blessures invisibles touchent également les travailleurs humanitaires qui nous ont fait part de leur expérience, ceux qui ont sacrifié une partie d’eux-mêmes en se portant volontaires pour partir à l’étranger. Aucune des personnes qui ont servi sur le terrain à Gaza n’en ressortira indemne sur le plan psychologique. Aucune ne sera imperméable à ce qu’elle a vécu, et pourtant elles y sont allées. Puis elles sont rentrées chez elles et ont partagé leurs histoires.
Les journalistes indépendants étant largement interdits d’accès à Gaza, et les travailleurs humanitaires sont devenus nos yeux, revivant des souvenirs inimaginables, souvent en pleurs pendant qu’ils racontent leur expérience. Nous leur sommes infiniment reconnaissants, et je pense que nous leur devons de réagir.
Chers collègues, nous ne pouvons pas changer le passé, mais nous devons examiner et reconnaître notre rôle dans celui-ci. Je pense que nous devons réagir à la situation actuelle et décider de ce que nous ferons pour la suite.
L’Organisation mondiale de la santé estime qu’une personne sur cinq parmi les populations touchées par un conflit doit vivre avec un trouble mental, et que ce trouble est considéré comme modéré à grave chez environ une personne sur dix.
À Gaza, même avant cette dernière guerre, plus de la moitié des enfants présentaient des symptômes de syndrome de stress post-traumatique, selon une étude publiée en 2020 dans Frontiers in Psychiatry. Après des mois de siège et de bombardements, l’UNICEF avertit que pratiquement tous les enfants présentent désormais des signes de traumatisme et de « stress toxique ».
(1720)
Les Nations unies rapportent que près de 90 % de la population de Gaza a été déplacée et souffre d’un traumatisme chronique et incessant. Des données cliniques récentes soulignent l’ampleur de cette urgence en matière de santé mentale.
Une étude de 2025 évaluée par des pairs, qui portait sur les conséquences psychologiques de la guerre et des déplacements forcés à Gaza, a révélé que 79 % des personnes interrogées souffraient d’anxiété modérée ou sévère, 84 % souffraient de dépression et près de 68 % répondaient à tous les critères diagnostiques du syndrome de stress post-traumatique selon le DSM-5, ou Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Près des deux tiers souffraient de symptômes importants des trois troubles à la fois. La majorité des répondants étaient sans emploi et déplacés dans des camps ou des refuges, et plus d’un sur cinq avait perdu un parent au premier degré.
Les chercheurs ont conclu que la population déplacée à l’intérieur de Gaza est confrontée à « des taux très élevés de troubles psychiatriques » et que les interventions en matière de santé mentale « doivent être prioritaires pour soutenir le rétablissement à long terme de la société ».
Aussi terribles que soient ces statistiques, elles ne sont pas surprenantes. Nous savons quels sont les effets d’une terreur et d’une privation prolongées sur l’esprit humain : elles détruisent les collectivités, alimentent le désespoir et rendent le rétablissement beaucoup plus difficile.
En Bosnie, 10 ans après la fin de la guerre, environ 1 citoyen sur 10 souffrait encore de stress post-traumatique. Au Rwanda, les survivants du génocide de 1994 continuent de lutter contre la dépression et les flashbacks. Une étude réalisée en 2018 a révélé que 35 % de la population souffrait de dépression majeure et 28 %, de stress post-traumatique.
L’ancien sénateur Roméo Dallaire, qui a publiquement lutté contre le syndrome de stress post-traumatique après le génocide, a dit ceci :
[I]l n’y a pas de facteur temps [pour le stress post-traumatique]. Un de mes très proches collègues, qui était avec moi là-bas, dirigeait un programme pour nous avec des anciens combattants […] Il s’est complètement effondré, 22 ans plus tard. Le stress était si intense qu’il n’a pas pu le supporter et il a failli perdre la raison.
Le traumatisme ne s’arrête pas quand le conflit prend fin. Les personnes et les familles continuent de porter le poids de la peine longtemps après que le monde a tourné la page. Pour les Palestiniens, aujourd’hui, le traumatisme est multiple : guerre après guerre, perte après perte, famine, destruction, déplacement et mort. Les personnes qui reviennent de Gaza m’ont dit que les Palestiniens se sentent abandonnés par la communauté mondiale. Ils sont désespérés.
En tant que Canadiens, nous sommes fiers d’appartenir à une nation qui croit aux droits de la personne et au droit international. Mais ces principes n’ont que peu de sens si nous les abandonnons au moment où ils sont le plus nécessaires.
Nous devons être honnêtes : nous n’avons pas fait assez pour prévenir cette catastrophe. Nous avons hésité à parler lorsque les premiers avertissements ont été lancés. En janvier 2024, la Cour internationale de justice a jugé plausible que les actes d’Israël à Gaza puissent constituer un génocide. Le Canada a-t-il fait assez pour s’assurer de ne pas être considéré comme complice?
J’interviens aujourd’hui pour appuyer la motion du sénateur Woo, car je crois que nous devons reconnaître ce que nous avons fait et ce que nous avons omis de faire. Je prends aussi la parole aujourd’hui, car j’estime que nous avons encore le devoir d’agir. Nous devons aider les survivants à reconstruire et à se rétablir. Nous ne pouvons pas abandonner à nouveau la population de Gaza.
Chers collègues, je crois que la guérison fait partie intégrante du rétablissement. Après chaque atrocité, nous tirons la même leçon : si nous nous concentrons uniquement sur les infrastructures et si nous négligeons le rétablissement psychologique, nous laissons les sociétés fragilisées et divisées pour des générations.
Dans le cadre de sa sociothérapie communautaire, le Rwanda a adopté une approche axée sur la guérison mutuelle qui a eu des effets fort bénéfiques sur la santé mentale et la cohésion sociale.
Mon expérience professionnelle en santé mentale m’a permis de prendre conscience de l’importance d’offrir un soutien continu aux collectivités ayant subi des tragédies. Nous savons que, pendant de nombreuses années après une tragédie, la suicidabilité devient un phénomène fréquent qu’il faut enrayer. En l’occurrence, des interventions psychologiques seront nécessaires pendant des générations. Nous avons d’abondantes données nous indiquant la voie à suivre, mais le temps presse.
Je pense que le Canada doit s’affirmer, tirer des leçons du passé et diriger les efforts internationaux en faveur du rétablissement de la santé mentale à Gaza et en Cisjordanie, tout comme il l’a fait dans le cas des mines antipersonnel et de la réinstallation des réfugiés.
Nous pouvons financer les partenaires humanitaires pour qu’ils mettent en place des unités mobiles de counseling, pour qu’ils forment, soutiennent et habilitent les équipes locales de santé mentale et pour qu’ils veillent à ce que la santé mentale soit un pilier de tout le travail qui devra être accompli pour aider Gaza à guérir.
Les femmes et les enfants, en particulier, ont besoin d’un soutien ciblé. Une femme de Cisjordanie qui s’est exprimée lors d’une table ronde d’Oxfam cette année nous a dit :
Il faut que le monde comprenne que la santé mentale est aussi une question de survie. La nourriture et le logement maintiennent les gens en vie; la santé mentale les aide à revivre.
Chers collègues, nous savons ce qui arrive quand nous n’agissons pas, et nous savons ce qui peut arriver quand nous agissons. Le Canada a la capacité et la crédibilité nécessaires pour aider à reconstruire des vies et des maisons.
Nous pouvons faire du soutien à la santé mentale la pierre angulaire du rétablissement et aider les familles à trouver la stabilité après tant de pertes. Cette motion ne vise pas seulement à jeter un regard sur le passé, mais aussi à reconnaître les différents rôles que nous voulons que le Canada joue à l’avenir.
J’aimerais attirer votre attention sur un article que j’ai lu sur l’ancien sénateur Roméo Dallaire, dans lequel il décrit ses sentiments à la fin du génocide et à son retour chez lui, porteur d’un traumatisme invisible, de l’agonie mentale manifeste découlant de son expérience.
L’article disait :
Dès les premiers instants qui ont suivi, Roméo Dallaire n’arrivait plus à dormir. Son bras droit oscillait mystérieusement entre une douleur aiguë et la paralysie. Une voix dans sa tête ne cessait de lui crier : « Pourquoi le reste du monde continue-t-il de tourner comme si de rien n’était? »
Chers collègues, nous ne pouvons pas effacer le passé, mais nous pouvons choisir d’être présents aujourd’hui. Nous pouvons choisir de réagir. Nous pouvons choisir de diriger avec bienveillance, décence et les valeurs humanitaires que nous attendons de nous-mêmes.
Tout ce qui reste aux Palestiniens, c’est l’espoir.
Nous ne pouvons pas continuer comme si rien ne s’était passé.
Meegwetch, marsee.
L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion no 13, présentée au Sénat par le sénateur Yuen Pau Woo, qui propose :
Que, à la lumière des conclusions et des ordonnances de la Cour internationale de Justice et de la Cour pénale internationale concernant la situation à Gaza, le Sénat demande au gouvernement d’examiner le risque pour le Canada et les Canadiens de complicité dans des violations du droit international humanitaire, y compris des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et un génocide, et de faire rapport de ses conclusions dans les trois mois suivant l’adoption de la présente motion.
En parlant de cette motion, mon objectif est d’examiner de plus près avec vous le cadre du droit humanitaire international et d’encourager mes collègues du Sénat à considérer que l’enquête recommandée dans cette motion mérite l’attention du Sénat et du gouvernement du Canada, ne serait-ce que pour donner suite aux paroles des cabinets et du corps diplomatique du Canada qui, pendant des années, ont affirmé à maintes reprises l’engagement du Canada à défendre et à maintenir la primauté du droit international. Cette motion respecte le discours tenu par les représentants du Canada sur la scène mondiale, et elle donne au Sénat l’occasion d’inviter le Canada à respecter les principes énoncés dans son discours en se livrant à un examen de conscience de façon responsable.
Je vous invite à vous joindre à moi pour examiner brièvement certains éléments clés de la primauté du droit humanitaire international, un principe que le Canada dit vouloir défendre et qui sous-tend la motion no 13 du sénateur Woo.
Il y a l’affaire Afrique du Sud c. Israël. La Cour internationale de justice est la cour des Nations unies. Les 15 juges qui la composent sont élus pour un mandat de neuf ans par l’Assemblée générale des Nations unies et le Conseil de sécurité des Nations unies. Ces deux organes votent en même temps, mais dans des locaux séparés. Pour être déclaré élu, un candidat doit avoir obtenu la majorité absolue dans l’un et l’autre des organes.
(1730)
Les juges doivent être élus parmi les personnes jouissant de la plus haute considération morale et réunissant les conditions requises pour exercer, dans leur pays, les plus hautes fonctions judiciaires ou être des juristes d’une compétence notoire en droit international.
La Cour ne peut comprendre plus d’un ressortissant d’un même État. En outre, les juges doivent assurer, dans leur ensemble, la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde. Une fois élu, un membre de la Cour n’est le délégué ni du gouvernement de son pays ni du gouvernement d’aucun autre État.
Contrairement à la plupart des autres organes des organisations internationales, la Cour n’est pas composée de représentants de gouvernements. Un juge est un magistrat indépendant dont le premier devoir sera, avant d’entrer en fonctions, de prendre l’engagement solennel d’exercer ses attributions en pleine et parfaite impartialité. À l’heure actuelle, la Cour est composée de juges provenant des pays suivants : Allemagne, Australie, Brésil, Chine, États-Unis, France, Inde, Japon, Jordanie, Mexique, Ouganda, Roumanie et Slovaquie.
L’affaire concernant la Palestine et Israël dont est saisie la Cour internationale de justice a pour titre abrégé Afrique du Sud c. Israël et pour titre complet Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza.
L’Afrique du Sud est loin d’être la seule à demander à la Cour internationale de Justice d’examiner la Convention sur le génocide. Elle est appuyée par plusieurs dizaines d’autres pays, dont l’Irlande, l’Espagne, le Brésil et la Chine. La Cour internationale de Justice a jusqu’à présent rendu de nombreuses décisions sur des mesures provisoires ordonnant à Israël de mettre fin à son offensive à Rafah et de garantir que des produits de première nécessité comme de la nourriture, de l’eau et des vêtements soient disponibles.
Il y a près de deux ans, la Cour écrivait ceci dans son ordonnance du 26 janvier 2024 :
[...] la Cour a également conclu à la plausibilité de certains au moins des droits que l’Afrique du Sud revendiquait au titre de la convention sur le génocide et souhaitait voir préservés, à savoir le droit des Palestiniens de Gaza d’être protégés contre les actes de génocide et les actes prohibés connexes visés à l’article III, et le droit de l’Afrique du Sud de demander qu’Israël s’acquitte des obligations lui incombant au regard de la convention.
La cour a ensuite déclaré :
[La Cour] considère qu’Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention sur le génocide, arrêter immédiatement son offensive militaire, et toute autre action menée dans le gouvernorat de Rafah, qui serait susceptible de soumettre le groupe des Palestiniens de Gaza à des conditions d’existence capables d’entraîner sa destruction physique totale ou partielle.
En plus de l’affaire portée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice en tant que tribunal des Nations unies, l’Assemblée générale des Nations unies, l’organe directeur de l’ONU qui compte 193 États membres, a demandé à la Cour un avis consultatif sur ses obligations en ce qui concerne le génocide en Palestine.
Le 19 décembre 2024, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté l’avis consultatif, où sont évaluées les preuves de génocide en Palestine. La Cour a conclu que « [...] la présence continue de l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé est illicite [...] » et que :
[...] l’État d’Israël est dans l’obligation de mettre fin à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé dans les plus brefs délais [...]
L’avis consultatif de la Cour internationale de justice énonce également les conséquences juridiques pour les États membres de l’ONU s’ils se rendaient complices du génocide. Israël n’a pas accepté la compétence de la Cour pour rendre cet avis consultatif. Cependant, la Cour conserve sa compétence pour rendre cet avis, car il ne s’agit pas d’un différend bilatéral, mais d’un avis consultatif sur les conséquences juridiques demandé par l’organe directeur de l’ONU, l’Assemblée générale des Nations unies.
La Cour souligne que depuis qu’elle a adopté la résolution 181 (II) relative au plan de partage de la Palestine en 1947, l’Assemblée générale est restée saisie de la question palestinienne. La Cour conclut également qu’en vertu de la Charte des Nations unies, le Conseil de sécurité ne jouit pas d’une compétence exclusive pour traiter des questions relatives à la paix et à la sécurité internationales.
La Cour a résumé les travaux réalisés par les Nations unies et la Cour internationale de justice sur la question de la Palestine et d’Israël depuis 1947, soulignant qu’Israël construit depuis 1967 des colonies illégales sur le territoire palestinien, et a conclu que :
Toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le statut de la ville de Jérusalem, y compris l’expropriation de terres et de biens immeubles, le transfert de populations et la législation visant à incorporer la partie occupée, sont totalement nulles et non avenues et ne peuvent modifier le statut de la ville.
Dans son avis à l’Assemblée générale des Nations unies, la Cour internationale de justice estime que :
Le fait qu’une occupation se prolonge ne modifie pas en soi son statut juridique au regard du droit international humanitaire. Bien qu’il soit fondé sur le caractère temporaire de l’occupation, le droit qui la régit ne fixe pas de limites temporelles qui pourraient, en tant que telles, modifier le statut d’une occupation.
Elle poursuit ainsi :
S’agissant du droit à l’autodétermination, la Cour considère que, bien qu’il appartienne à l’Assemblée générale et au Conseil de Sécurité de se prononcer sur les modalités requises pour veiller à ce qu’il soit mis fin à la présence illicite d’Israël dans le Territoire palestinien occupé et à ce que le peuple palestinien exerce pleinement son droit à l’autodétermination, tous les États doivent coopérer avec l’Organisation des Nations Unies pour donner effet à ces modalités.
La Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations unies nous rappelle que :
Tout État a le devoir de favoriser, conjointement avec d’autres États ou séparément, la réalisation du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, conformément aux dispositions de la Charte, et d’aider l’Organisation des Nations Unies à s’acquitter des responsabilités que lui a conférées la Charte en ce qui concerne l’application de ce principe [...]
Il s’agit de la résolution 2625 de l’Assemblée générale.
J’aimerais maintenant aborder brièvement la question de la Cour pénale internationale. Le Canada a contribué de manière significative au Statut de Rome, qui a créé la Cour pénale internationale. Il ne s’agit pas d’une cour des Nations unies. Il s’agit d’une cour indépendante et permanente de dernier recours qui a compétence pour enquêter et poursuivre les crimes les plus graves qui ont une portée internationale, notamment le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
Le Canada est devenu le premier pays au monde à intégrer les obligations du Statut de Rome dans sa législation nationale lorsqu’il a adopté la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Le 21 novembre 2024, la Cour pénale internationale a lancé des mandats d’arrestation contre le premier ministre israélien, M. Benyamin Nétanyahou, et M. Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Les nombreuses preuves citées par la cour comprennent les suivantes :
Les répercussions du recours à la famine comme méthode de guerre, conjuguées à d’autres attaques et à la punition collective infligée à la population civile de Gaza sont aiguës, visibles et de notoriété publique. Elles ont en outre été confirmées par plusieurs témoins interrogés par [le Bureau du procureur], y compris des médecins gazaouis et des médecins étrangers. Cette méthode de guerre a entraîné des problèmes de malnutrition, de déshydratation, des souffrances atroces et une augmentation croissante du nombre de morts parmi la population palestinienne, dont des nouveau-nés, des enfants et des femmes [...]
Israël, à l’instar de tous les États, a certes le droit de prendre des mesures afin de défendre sa population mais ne saurait se soustraire pour autant aux obligations faites à tout État de respecter le droit international humanitaire. Quels que soient les objectifs militaires des autorités israéliennes, les moyens employés par Israël pour les atteindre à Gaza, à savoir des actes causant intentionnellement la mort, une famine, de grandes souffrances et des atteintes graves à l’intégrité physique de la population civile sont criminels.
(1740)
Je reviens maintenant à la motion no 13 du sénateur Woo pour souligner que la principale préoccupation est que le Canada et les Canadiens risquent d’être considérés comme des complices ou des alliés dans ce qui est de plus en plus considéré comme un génocide en vertu du droit international.
Jusqu’à tout récemment, le Canada, comme l’a confirmé Affaires mondiales Canada, fournissait des armes et des pièces d’armes à Israël. Ce n’est que le mois dernier que le premier ministre du Canada a reconnu l’État de Palestine, même si le Canada appuie l’appel lancé il y a des décennies par les Nations unies, conforme à la solution à deux États de 1947, qui prévoit la création de deux États distincts.
En substance, cette motion invite les sénateurs à exhorter le gouvernement du Canada à centrer son attention et ses ressources sur la mobilisation d’experts, notamment des avocats, des spécialistes des milieux universitaires et des personnes faisant autorité en raison de leurs expériences, afin d’examiner dans quelle mesure...
Son Honneur la Présidente : Sénatrice McPhedran, le temps alloué au débat est écoulé.
La sénatrice McPhedran : Puis-je avoir 60 secondes?
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup.
Alors que les Nations unies et la Cour internationale de justice continuent de constater des violations du droit international humanitaire de la part d’Israël, le Canada doit veiller à respecter ses obligations internationales en tant qu’État membre conformément aux traités qu’il a signés et ratifiés, traités qui sont à la base de la primauté du droit international, notamment la Convention sur le génocide. Merci. Meegwetch
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
Son Honneur la Présidente : La sénatrice McPhedran a demandé 60 secondes de plus, et le consentement a été accordé. Souhaitez-vous demander plus de temps pour répondre aux questions?
La sénatrice McPhedran : Avec le consentement de la Chambre.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Housakos : Merci. Je vais essayer d’être bref, car beaucoup de choses ont été dites sur cette question au cours de ce débat, et il y a beaucoup d’histoire révisionniste.
Sénatrice McPhedran, vous êtes une personne cultivée. Vous comprenez certainement l’histoire et l’importance qu’elle revêt. Avant 1948, la bande de Gaza était sous domination coloniale britannique. Avant cela, pendant des centaines d’années, elle était sous le joug ottoman. Avant cela, avant même que le mot « Palestinien » n’existe dans le lexique du peuple hellénique qui occupait autrefois cette partie du monde — et les Philistins étaient là avant eux —, à quel moment de l’histoire de l’humanité y a-t-il jamais eu un État palestinien à la fois établi, autonome et reconnu par la communauté internationale?
La sénatrice McPhedran : Un grand merci pour votre question, sénateur Housakos. Même si j’ai aimé l’aperçu historique substantiel que vous venez de donner, permettez-moi de commencer en 1947 avec les Nations unies et les éléments du droit international définissant le territoire palestinien, de même que la reconnaissance de l’État d’Israël. Tout ce que j’ai dit dans mon discours, qui était principalement composé de citations de jugements, montre clairement que, selon l’avis de juristes du monde entier, le droit humanitaire international actuel, auquel le Canada a adhéré et pour lequel il a fait figure de chef de file à bien des égards, est en train d’être violé.
Sénateur Housakos, nous avons eu quelques conversations sur les Nations unies. Je sais que ce n’est pas votre lieu de prédilection. Cependant, il s’agit de l’organisation au sein de laquelle le Canada a, à maintes reprises, fait preuve de respect, signé des traités, pris des engagements et, surtout, promis de faire respecter le droit humanitaire international.
(Sur la motion de la sénatrice Osler, au nom de la sénatrice Wallin, le débat est ajourné.)
Peuples autochtones
Affaires juridiques et constitutionnelles
Motion tendant à autoriser les comités à étudier la nécessité pour le gouvernement de consulter et d’accommoder les détenteurs de droits des Premières Nations, des Inuit et des Métis—Ajournement du débat
L’honorable Mary Jane McCallum, conformément au préavis donné le 3 juin 2025, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soient autorisés à examiner, afin d’en faire rapport :
a)la nécessité pour le gouvernement fédéral de s’acquitter de son obligation fiduciaire de consulter et d’accommoder les détenteurs de droits des Premières Nations, des Inuits et des Métis en ce qui concerne la législation qui a une incidence sur leurs droits issus de traités, leurs droits inhérents et leurs terres traditionnelles;
b)la nécessité pour le gouvernement fédéral de s’acquitter de son obligation fiduciaire de consulter et d’accommoder à toutes les étapes du processus législatif, de la conceptualisation à la rédaction, à la mise en œuvre et à l’examen;
Que les comités soumettent leurs rapports finaux au plus tard le 31 décembre 2025.
(Sur la motion de la sénatrice McCallum, le débat est ajourné.)
Peuples autochtones
Motion tendant à autoriser le comité à étudier la façon dont le retrait forcé des enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis de leur famille et de leur culture constitue un crime contre l’humanité et un génocide—Ajournement du débat
L’honorable Mary Jane McCallum, conformément au préavis donné le 3 juin 2025, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la façon dont le retrait forcé historique et continu des enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis de leur famille et de leur culture, y compris, mais sans s’y limiter :
a)les enlèvements dans le cadre du système des pensionnats indiens;
b)les externats indiens;
c)le « Sixties Scoop »;
d)l’épidémie d’enfants autochtones pris en charge;
e)les effets intergénérationnels de cette appréhension d’enfants, tels que les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et l’incarcération excessive des peuples autochtones;
constitue un crime contre l’humanité et un génocide, au sens de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, L.C. 2000, ch. 24, et des articles 6 et 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et en conformité à l’article II de la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2025.
(Sur la motion de la sénatrice McCallum, le débat est ajourné.)
[Français]
Le problème émergent des chutes de débris de satellites
Interpellation—Ajournement du débat
L’honorable Paula Simons, ayant donné préavis le 29 mai 2025 :
Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur le problème émergent des chutes de débris de satellites au Canada et les défis liés, notamment la congestion, la pollution et la responsabilité.
(Sur la motion de la sénatrice Simons, le débat est ajourné.)
(À 17 h 49, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)